Sa jeunesse, son enthousiasme, son besoin de percer le mystère Callas, a conduit Tom Volf à devenir un globe-trotter. Car c'est en parcourant la planète quatre années durant, qu'il a pu rencontrer certains proches de la Diva, disparue le 16 septembre 1977, mettre la main sur d'incroyables documents sonores et visuels qui l'ont aidés à comprendre qui était vraiment la femme et l'artiste, souvent adulée, souvent décriée, souvent incomprise. Aujourd'hui à la tête d'un film documentaire que le public découvrira dans quelques mois, de deux ouvrages bourrés de documents inestimables et d'informations éclairantes, d'un recueil de lettres inédites très attendu et enfin d'une exposition en hommage à la plus emblématique soprano du XXème, présentée à La Seine Musicale, Tom Volf a accepté de répondre à nos questions, le 11 septembre, en plein accrochage de ce qu'il est convenu d'appeler l'événement de la rentrée musicale.
Grâce à vous, à vos recherches et à vos découvertes, le 40ème anniversaire de la mort de Maria Callas va être magnifiquement célébré : un film documentaire 1, trois livres, une exposition 2, de nouvelles publications discographiques live 3. D'où vous vient cette passion pour la cantatrice, comment avez-vous contracté le virus Callas ?
Par hasard, ou peut-être était-ce le destin, mais il y a plus de quatre ans, de passage à New York, je me suis rendu à une représentation donnée au Met et j'ai eu un coup de coeur en assistant à la Maria Stuarda chantée ce soir-là par Joyce di Donato ; mon coup de cœur pour Donizetti et pour l'opéra que j'ai découvert ce soir-là, un véritable monde en soi, alliant musique, mélodie, costume, interprétation, jeu d'acteur – je me suis rendu compte après coup que tous les chanteurs n'étaient pas de bons acteurs ! - a été imédiat et sans appel. Une fois rentré chez moi j'ai eu envie d'apprendre plus et d'écouter d'autres choses et en naviguant je suis tombé sur la scène de la folie de Lucia di Lammermoor par Maria Callas et là ce fut le second coup de foudre et le point de départ de cette très grande aventure.
Vous êtes à 31 ans ce que l'on peut appeler un « touche à tout »: réalisateur, producteur, photographe de mode et de voyage, auteur, acteur, chanteur et même commissaire d'exposition, ce qui tranche avec les traditionnels critiques musicaux, musicologues ou amateurs éclairés qui se sont emparés de la légende Callas. Avant de vous lancer dans cet ambitieux hommage, aviez-vous le sentiment que ce qui avait été fait avant vous était en quelque sorte lacunaire et qu'il restait encore beaucoup à faire ?
Oui en quelque sorte et avec tout le respect que je porte aux biographes et aux auteurs qui ont travaillé sur le sujet, mon approche est différente, car elle émane de quelqu'un qui a découvert du jour au lendemain le monde de Maria Callas, sans doute avec une soif de savoir décuplée. J’ai écumé tous les documents qui existaient sur elle, par passion et suis resté effectivement sur ma faim, car j'ai eu l'impression d'avoir tout le temps devant les yeux la même image véhiculée par quantité de points de vue externes, certes pertinents et intéressants, mais qui ne me donnaient pas le sentiment de connaître véritablement Maria Callas : de savoir au fond qui elle était en tant que femme et en tant qu'artiste. Les ressorts qui faisaient d'elle une personnalité unique ne me parvenaient pas clairement. Ainsi près de quarante ans après sa mort, ai-je cherché à savoir pourquoi tant d'êtres humains s'intéressaient toujours à cette artiste et tentaient inlassablement de percer son mystère. J'ai découvert des gens partout dans le monde qui l'aiment, la vénèrent, des jeunes, des vieux, une petite fille de cinq ans qui ne chante que du Callas du matin au soir, de toutes les conditions, de tous les milieux ! Toutes ces connaissances ne m'ont donc pas éclairées et permis de me sentir plus proche d'elle. Aussi ai-je décidé de consacrer quatre années de ma vie à Maria Callas, en toute humilité, car je ne suis ni critique musical, ni un érudit, un spécialiste, je le suis devenu par la force des choses, car je maîtrise assez bien le sujet désormais et parce que au-delà de ces années j'ai été nourri par les personnes qui étaient les plus proches d'elle et encore en vie ; je pense bien sûr à Ferruccio et à Bruna, son chauffeur et sa femme de chambre. J'ai essayé de construire une image d'elle différente, mon travail consistant à lui redonner la parole et je pense aujourd'hui qu'il était même préférable que je ne sois ni critique ou musicologue, sinon il y aurait eu un filtre. Je me considère comme un messager qui a pu réunir des témoignages pour lui redonner la parole et lui permettre en quelque sorte de s'exprimer pour être enfin comprise par le public.
Depuis sa disparition, Maria Callas fait l'objet d'un véritable culte : le moindre de ses enregistrements, la moindre image ou vidéo étant précieusement éditée. Avant vous Jean-Jacques Hanine-Roussel a publié un livre tout à fait passionnant réalisé à partir d'entretiens d'amis, de collègues ou de relations professionnelles parfois lointaines, mais aussi d'articles de presse et d'interviews tout à fait complet 4. Comment êtes-vous parvenu à trouver tous ces documents photos pour le livre Maria by Callas chez Assouline et Callas Confidential aux éditions La Martinière, que personne avant vous n'avaient pu dénicher ?
D'abord parce que j'ai fait un travail que personne n'avait fait jusqu'à présent à savoir voyager partout dans le monde pendant plusieurs années et chercher dans les moindres recoins, caves, greniers, archives perdues, cartons fermés depuis cinquante ans etc... Et puis bien entendu en ayant la chance de rencontrer ses proches qui m'ont confié des documents dont personne ne connaissait l'existence. Ce n'est pas simple vous savez car il faut les aborder, mais une fois que c'est fait je dirais que c'est là que les difficultés commencent, car elles ont été très sollicitées et par discrétion, par pudeur, par respect, elles n'ont pas souhaité divulguer ses souvenirs, car trop de choses ont été dites et faites sur Maria Callas et de nombreuses erreurs se sont répétées. Certaines rumeurs, certains mensonges ont fait souffrir ceux qui la connaissaient ; ce qui explique que même sollicitées, elles n'ont pas accepté de participer à des émissions, à des hommages, de peur d'être associées à des propos galvaudés ou à des paroles racoleuses. J'ai donc dû les convaincre de mon approche et de sa singularité et sans doute grâce à mon âge et à l'idée de transmission qui était la mienne, les choses ont joué en ma faveur et ce projet a pu exister. Callas dirait que c'est le destin.
On le sait les documents officiels télévisés du vivant de la cantatrice sont rares, certains comme les concerts de la BBC en 1958 et 1959 ayant été détruits avec son assentiment dit-on, ou perdus comme cette « Invitation au voyage » enregistrée à l'ORTF en mai 1965 avec Prêtre. Votre film contient quelques merveilles comme ces fragments de l'unique Butterfly de Chicago en 1955 dont ne circulaient que quelques secondes muettes, ainsi qu'un extrait de Cavalleria rusticana daté du 30 août 1964 capté en Grèce sur l'île de Lefkas (Leucade) accompagné au piano. Comment les avez-vous retrouvés et pensez-vous qu'il en existe encore, comme ce premier acte de La Sonnambula milanaise de 1955 par exemple ?
« L'invitation au voyage » n'a jamais été captée, Prètre me l'a certifié, il est donc inutile de croire que l'on pourra la retrouver un jour ! Le 1er acte de Sonnambula a été retransmis en direct mais la Télévision ne conservait rien à l'époque ; s'il en existe une copie celle-ci aura été filmée à partir des rares téléviseurs qui existaient dans les foyers en ces temps lointains, c'est la seule possibilité, sinon comme pour beaucoup d'autres témoignages, il faut en faire le deuil. Je vous donne un scoop : l'air de Santuzza « Voi lo sapete o mamma » ne sera pas dans l'exposition, car j'ai décidé de le réserver pour le film et donc il faudra attendre le mois de décembre pour le découvrir. Les extraits de la Butterfly sont en revanche assez longs et donc le super 8 retrouvé sera en partie montré dans l'exposition, en partie dans le film ; mais je vous rassure il y a des moments issus des trois actes. Pour des raisons d'exclusivité le son proposé dans l'exposition sera celui du disque. Je suis parvenu à mettre la main dessus grâce à des personnes qui avaient travaillé sur la production et qui étaient proche de la metteuse en scène japonaise Hizi Hoyke ; les extraits de Norma sont ceux de Trieste (novembre 1953) mais supérieurs à ceux que l'on peut trouver sur youtube, car il s'agit des originaux ; vous trouverez également plusieurs extraits de la Norma de Paris, en mai 1965, on y voit en super 8 des passages de bonne qualité accompagnés de bandes issues d'une de ses ultimes représentations.
Ceux qui ont connu Maria Callas sont aujourd'hui rares, Georges Prêtre et Nicolai Gedda nous ont quittés cette année, restent quelques collègues tels que Rolando Panerai ou Luigi Alva, Zeffirelli, Robert Sutherland, ses amies proches Nadia Stancioff et Giovanna Lomazzi. Vous avez cependant réussi à faire parler pour la première fois sa fidèle dame de compagnie Bruna Lupoli qui depuis 1977 avait toujours gardé le silence. Qu'est-ce qui l'a poussé à sortir finalement de sa réserve ?
Je ne sais pas c'est …. cela s'est enchaîné, une chose après l'autre, j'ai parlé avec Robert Sutherland le dernier accompagnateur de la diva et avec Georges Prêtre qui la connaissaient bien et cela s'est fait petit à petit. Bruna Lupoli avait cette discrétion extrême, cette modestie et les personnes qui ont le plus compté dans la vie de Maria Callas et pour qui elle a le plus compté sont celles qui en ont le moins parlé...
Comment avez-vous travaillé avec les diverses fondations et associations qui font beaucoup pour sa mémoire ?
Je me suis rapproché de tous ceux et de toutes celles qui œuvrent pour la préservation de sa mémoire et j'ai pu constater une véritable entraide, mais je n'ai rien trouvé de rare grâce à elles.
Pouvez-vous nous dévoiler ce qui constituera la grande exposition consacrée à la diva à La Seine musicale intitulée Maria by Callas, qui ouvrira au public à partir du 16 septembre (voir note 2) ?
Elle est conçue avec une approche immersive car j'ai voulu que ce soit Maria Callas elle-même qui se raconte, du début à la fin : sa voix parlée nous guide à partir de conversations données tout au long de sa vie - dont certaines inédites – tandis que l'on retrouve sa voix chantée dans divers points d'écoute et dans la salle 360° où l'on pourra la voir et l'entendre à l'opéra et en concert avec une expérience visuelle et auditive assez unique. L'exposition suit un ordre chronologique, Callas étant au centre du dispositif, apportant son point de vue à elle, ses réponses, ses avis personnels. J'ai privilégié un choix d'archives en français avec quelques documents en langue anglaise et italienne surtitrés, car j'ai souhaité qu'elles soient accessibles à tous pour ne pas faire une exposition d'experts ; les fans y trouveront leur compte, mais il est plus important pour moi de faire découvrir Callas au plus grand nombre et à toute une nouvelle génération, pour que d'autres puissent comme moi découvrir l'opéra grâce à cette cantatrice exceptionnelle.
La carrière de Maria Callas a pris son essor grâce à sa voix, à son talent d'interprète, à sa présence théâtrale hors du commun, à son impressionnante transformation physique également, mais aussi grâce aux nombreux enregistrements discographiques qu'elle a pu réaliser entre 1949 et 1965, pour la Cetra, Ricordi et Emi. Emi désormais rachetée par Warner ne cesse de maintenir au catalogue les témoignages de studio tout en publiant régulièrement de nombreux live, comme c'est le cas en cette rentrée avec le coffret de vingt intégrales. Quel a été votre travail sur cette résurrection technique et pouvez-vous nous parler de ces 120 heures issues de bandes originales que vous avez acquises et que vous souhaitez commercialiser ?
Au cours de mes déplacements et de mes recherches, j'ai eu accès à des archives et à des collections privées, notamment en Italie, où des admirateurs avaient conservé la quasi intégralité des bandes originales enregistrées à l'époque à partir des retransmissions radiophoniques, auxquelles sont venus s'ajouter quelques inédits ; je ne peux pas vous dire quoi, car Warner en a la primeur. Rassurez-vous il n'y a ni Don Carlo, ni Fedora là aussi il faut en faire le deuil. La veuve de Franco Corelli qui en aurait eu des extraits, gardés secrets, est une pure légende, … moi j'essaie de faire rêver avec de la réalité. Warner donc verra ce qu'elle en fera. La qualité de ces bandes est assez incroyable, certaines nettement supérieures à celles régulièrement mises sur le marché. J'ai pu avoir accès à ces bandes et j'ai hésité sur ce que j'allais en faire : j'aurais pu les commercialiser moi-même, mais j'ai fait le choix de les confier à Warner car cette maison de disque est légitime. Pour répondre à votre question je n'ai pas été directement associé au projet mais j'ai suivi son évolution. Les live ont été sélectionnés pour la plupart parce qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'enregistrement studio et là encore j'espère qu'ils donneront envie à ceux qui les découvriront d'aller plus loin.
Bien avant vous, Emi n'avait pas hésité à publier des enregistrements inédits que Callas ne souhaitait pas rendre accessibles, je pense bien sûr au célèbre « Mon cœur s'ouvre à ta voix » de 1961, sorti en 1984, aux extraits de 1969, puis aux divers essais de 1960, 1961 et 1962 dont il reste à ce jour « D'amor al dolce impero » d'Armida en 1960, la totalité des Verdi de 1969 et les duos avec di Stefano pour Philips étant trouvables sur youtube. Quel est votre sentiment face à ce que l'on peut appeler une trahison, puisque l'on est allé contre la volonté de l'artiste, sous-couvert de révéler une part cachée de son art ?
Je crois qu'il faut différencier les choses, ce qui est officiel et ce qui ne l'est pas. Maria Callas avait une rigueur particulière sur ce qui paraissait de son vivant et sur ce qu'elle faisait en studio. Elle avait une exigence différente car elle devait se contrôler davantage face aux micros. Je ne suis pas choqué par le fait que beaucoup de choses aient été publiées, car elles permettent d'informer le public sur ce qu'était son art ; pourquoi ne pas le faire et quarante ans après ce n'est pas ce que l'on retient d'elle, vous parler là d'une minorité de personne qui peut y voir un sacrilège. Les gens de la rue n'écoutent que « Casta diva » et se fichent de savoir que la totalité des essais de 1969 sont trouvables sur youtube ou pas. Je suis pour que la totalité de son legs soit accessible, car de son vivant tous ses lives existaient et elle les écoutait avec plaisir car elle n'aimait pas réentendre ses témoignages de studio. Dans les live il y avait du bon et du moins bon : la Lucia de Berlin en 1955 était merveilleuse et elle était heureuse qu'elle ait été sauvegardée.
Il y a quelques mois nous apprenions que le célèbre concert du TCE donné le 5 juin 1963, devait paraître dans son intégralité pages orchestrales comprises, avec en bonus une interview inédite donnée à son impresario de l'époque Michel Glotz : pour d'obscures raisons, l'album ne sortira pas. Avez-vous pu l'entendre et si oui qu'y apprenait-on ?
Bien sûr, car je peux dire que j'étais à l'origine de cette publication ; vous pourrez d'ailleurs entendre quelques fragments de cette interview dans l'exposition. Elle a été réalisée quelques jours avant le concert et Callas y parlait d'un tas de choses en toute confiance, puisqu'elle s'adressait à son ami Glotz.
Qu'avez-vous appris de Maria Callas que vous ne connaissiez pas au contact de ces documents et de ceux avec lesquels vous vous êtes entretenus ?
Le fait qu'il y avait deux entités différentes, Maria et La Callas et qu'elle a passé sa vie a essayer de rassembler les deux, sa vie de femme et sa vie d'artiste, sans jamais vraiment y parvenir, sacrifiant tour à tour l'une au dépens de l'autre.
Qu'aimeriez-vous que le public retienne de tout ce travail accompli et décliné de l'art d'une artiste connue dans le monde entier, mais par des gens forcément âgés, dont la plupart n'ont pas eu la chance de la voir sur scène ?
J'aimerais que les gens la redécouvrent et la voient comme elle était vraiment, en tant que femme et artiste et pas par le prisme des clichés qu'on a continuellement véhiculé sur elle au cours des années : que le public ait enfin accès à sa vérité. Et surtout j'aimerais par mon travail permettre à toute une nouvelle génération de la découvrir et de l'aimer, comme moi il y a quatre ans.
Après Maria Callas à quel autre personnage aimeriez-vous vous consacrer et pourquoi ?
J'ai eu la chance de passer près de deux ans aux côtés de Georges Prêtre et de filmer son dernier concert à la Scala ainsi que ses préparatifs et je voudrais absolument faire quelque chose de ces images.
References
1. | ↑ | Sortie du film Maria Callas in her own words en salle le 13 décembre 2017 |
2. | ↑ | L'exposition Maria by Callas est ouverte jusqu'au 14 décembre 2017 (mariabycallas.com). Ouverte au public le jour anniversaire de la mort de Maria Callas, l'exposition Maria by Callas préfigure et complète le film documentaire dont la sortie est prévue le 13/12/2017. La cantatrice, grâce à un parcours chronologique et un dispositif extrêmement simple, constitué d'extraits d'interviews, d'archives filmées et d'objets personnels (comme le fameux petit tableau attribué à Cignarolli, La sainte famille, offert par Meneghini en 1947 et qui ne la quittait pas), sur lesquels viennent se superposer sa voix chantée au magnétisme inimitable, n'a jamais été si proche, si touchante et si humaine. Ses réponses en français pour la plupart, aux nombreuses questions posées tout au long de sa carrière, se font de plus en plus précises, de plus en plus pointues à mesure que le temps passe et l'éloigne de la scène qu'elle n'abandonnera finalement que trois ans avant sa mort. Parmi les documents inédits présentés dans cette exposition, ces images très nettes de la Norma de Trieste (1953), celles inouïes de Madama Butterfly à Chicago en 1955 (colorisées), dont nous attendons avec impatience d'entendre le son, ces archives de 1957 à Edimbourg et à Amsterdam en 1959, ainsi que ces super 8 sur le yacht d'Onassis (séductrice à souhait), ou de passage à Palm Spring chez des amis en 1974. Pour les quarante ans de la disparition de la plus grande cantatrice, on ne pouvait espérer hommage plus riche, plus émouvant et plus complet. |
3. | ↑ | Après avoir publié un coffret qui reprenait la totalité des enregistrements studio de la Diva, Warner récidive avec la parution d'une nouvelle intégrale, de vingt live essentiels, accompagnés de deux dvd reprenant les principaux concerts de Callas : Paris 1958, Hambourg 1959 et 1962, second acte de Tosca à Londres en 1964. Globalement le son de ces soirées souvent historiques, telles que l'Armida florentine de 1952, le Macbeth de la Scala ou la Bolena donizettienne, a été amélioré sans pour autant devenir miraculeux ; le Nabucco du San Carlo souffre toujours de graves distorsions, mais l'Alceste de 1954 comme La Vestale de la même année ne sont plus une épreuve, les brumes et les saturations dans l'aigu ayant pu être contenues. Reste que ces témoignages heureusement sauvegardés, demeurent aujourd'hui encore, des mines d'informations sur le génie (qu'elle préférait nommer instinct) musical et interprétatif de la cantatrice, capable d'aborder tous les styles, de faire sien les répertoires les plus opposés et de changer en même temps que de tessiture, de visage, en passant d'une héroïne à l'autre : Lucia funambule, Amina extatique, Medea sanguinaire, Iphigénie hiératique, Norma enfin, tragique et lunaire, déesse et femme fragile, elle reste pour toujours la plus fascinante des divas. |
4. | ↑ | Jean-Jacques Hanine-Roussel, Maria Callas , Editions Carpentier, 688p, Paris, 2015 |