Actuellement François-Xavier Roth est le General Musik Direktor (GMD) du Gürzenich Orchester et de Oper Köln (Opéra de la ville de Cologne) de l'Atelier lyrique de Tourcoing et premier chef invité du London Symphony Orchestra, fondateur de l'Orchestre Les Siècles et du Jeune Orchestre Européen Hector Berlioz pour la redécouverte du répertoire sur instruments d'époque, mais également du Panufnik Composers Scheme à destination des jeunes compositeurs, François-Xavier Roth est décidément sur tous les fronts. Nous le rencontrons à l'occasion de la reprise de Pelléas et Mélisande au Théâtre des Champs-Elysées et dans la perspective des Soldaten de Bernd Alois Zimmermann, en février prochain à la Philharmonie de Paris. Entretien avec un chef exigeant autant que curieux, passionné par la modernité, avec la vérité comme fil rouge d'une carrière atypique et multiple.
Vous êtes né dans une famille où la musique jouait un grand rôle, notamment avec votre père organiste (et actuel titulaire des orgues de Saint Sulpice). Comment a émergé l'idée de devenir chef d'orchestre ?
J'ai été exposé à l'orchestre assez jeune, j'allais souvent au concert durant mon enfance à Paris. Mon grand-père maternel était flûtiste amateur, c'est lui qui m'a initié à la flûte traversière. Ensuite, je suis devenu flûtiste professionnel et j'ai enseigné. Finalement, je me suis rendu compte – comme c'est le cas pour pas mal de chefs – que l'instrument n'était peut-être pas le medium qui me permettait de tout exprimer. Je me sentais à l'étroit avec ma flûte. Rapidement, j'ai senti ce besoin de transmettre la musique différemment, non pas par la composition ou le fait de jouer d'un instrument polyphonique comme le piano qui aide plus naturellement à aller vers la direction d'orchestre.
Vous avez été assistant de John Eliot Gardiner, un chef singulier dans son répertoire. Que vous a t-il apporté ?
Je venais de remporter le concours de direction Donatella Flick et j'étais assistant au London Symphony Orchestra à Londres. C'est Sabine Vatin qui m'avait repéré au Conservatoire Supérieur de Paris, qui lui a communiqué mon nom pour remplacer Edward Gardner sur la production de Falstaff au Châtelet en 2002. Au départ, John Eliot m'a regardé avec suspicion, avec son caractère bien trempé. Nous nous sommes très bien entendus, on a collaboré par la suite sur Benvenuto Cellini et Les Troyens. J'étais fasciné par l'avant-garde de la musique contemporaine à Paris, avec les concerts de l'Ensemble Intercontemporain et l'IRCAM. Je me suis aussi passionné pour la redécouverte du répertoire baroque, classique et romantique que des chefs comme Harnoncourt ou Gardiner entreprenaient. En travaillant auprès de Gardiner, mon admiration s'est changée en volonté d'aller dans cette direction et de diriger moi aussi les œuvres de ce répertoire. Côtoyer son Orchestre Révolutionnaire et Romantique m'a confirmé dans l'idée que je devais moi aussi, créer mon ensemble : Les Siècles.
Comme John Eliot Gardiner (et comme Pierre Boulez !), vous avez créé un orchestre avec des musiciens jouant sur instruments d'époque. Vous avez préféré aborder la question de l'authenticité prioritairement par la sonorité et non pas (comme souvent) par la reconstitution historique ?
Je crois que l'histoire de l'interprétation fonctionne par couches successives, par avancées. Il y a eu, durant les années 1960-70, un mouvement important pour reconstituer les instruments et revenir ensuite aux partitions. On s'est intéressé progressivement à la sonorité et aux capacités des instruments anciens. Désormais, tout cela est acquis, le public est habitué à entendre des versions Urtext plutôt que les versions révisées. Ma génération est arrivée au moment où l'acquis et l'avantage de connaître les musiques sur instruments d'époque étaient pleinement acceptés. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu un temps où l'on disait de ces gens qui optaient pour les instruments d'époque étaient de mauvais musiciens – de la même manière qu'on pensait de tous ceux qui s'intéressaient à la musique "contemporaine" au-delà du cœur de répertoire Debussy-Bartók-Stravinski, qu'ils ne pouvaient pas faire carrière. Cette idée reçue est complètement rejetée aujourd'hui.
Avoir eu la chance de travailler avec des instruments d'époques a été un grand apprentissage pour moi. Quand on a abordé L'Oiseau de feu sur instrument d'époque avec Les Siècles, je crois pouvoir dire que j'ai eu le privilège de pouvoir ressentir physiquement cette enveloppe sonore, avec ce poids du son que Stravinski avait lui-même éprouvé quand il composait. On s'est rendu compte avec ces instruments de la densité de l'alchimie, des alliages, de la netteté de l'articulation de chaque instrument. J'ai entrepris la démarche d'essayer de révéler une œuvre musicale. Je pars du principe qu'on ne peut pas comprendre l'orchestration de Berlioz si l'on n'a pas goûté aux instruments qu'il a connus. Sur des instruments modernes, ça paraît farfelu et désordonné... A chaque fois qu'on a touché à une œuvre avec Les Siècles, que ce soit Debussy ou Mahler, on a eu l'impression d'agir comme un restaurateur qui retrouvait une couleur sous des couches de vernis. Ça nous a permis de mieux comprendre certains gestes compositionnels. Une quête d'authenticité ? Je ne sais pas. La musique est un art de la création, du temps réel. La musique est toujours en mouvement, elle ne tolère pas qu'on plaque sur elle une "authenticité". Il faut les instruments d'époque bien sûr, mais aussi comprendre les us et coutumes qui permettent également de mieux percevoir le contexte de l'interprétation d'époque. Il est capital de savoir si les musiciens pratiquaient des portamentos, du vibrato… et quelle était leur culture musicale. Je pourrais dire de l'instrument d'époque qu'il est le super prétexte pour pénétrer au cœur d'une création musicale.
On adapte l'instrumentarium à chaque époque. Ça m'intéresse de savoir quel instrument a choisi Berlioz quand il a composé la symphonie fantastique. Et Mahler également, quand il est en poste à Vienne et qu'il découvre les clarinettes équipées du système allemand. Il y a souvent un avant et un après chez les compositeurs qui ont fait la découverte de telle ou telle sonorité instrumentale. Cette recherche de nouveauté était pour eux une motivation, mais ce n'est pas une vérité générale : quelqu'un comme Brahms se désintéressait complètement des progrès en matière de facture d'instruments. Il a toujours préféré les cors naturels aux systèmes à palettes.
On peut souligner le fait que vous ayez plusieurs points en commun avec Pierre Boulez. Comme lui, vous êtes très attaché à la transmission, à la pédagogie. Sentez-vous que sa disparition en 2016 a modifié le paysage musical en France ?
En France… et dans le monde entier. Malheureusement, des géants et des colosses, on en a peu. Il était selon moi bien plus qu'un compositeur, un chef ou une personne qui a inventé des institutions. Il a forgé une pensée musicale et ils sont très peu à avoir eu une telle dimension dans l'histoire musicale ou artistique. Il ne faut pas pour autant être nostalgique en regrettant qu'il n'y ait pas beaucoup de personnalités possédant une telle force pour construire et transmettre. À ce titre, il manque beaucoup.
Je l'ai rencontré pour la première fois en 2001, à l'époque où j'étais assistant au London Symphony Orchestra. Il répétait au Henry Wood Hall la version complète du ballet Daphnis et Chloé, l'Ouverture de Béatrice et Benedict et les Nuits d'été avec Cecilia Bartoli. Il était absolument merveilleux, répondant à toutes les questions que je lui posais, y compris les plus naïves. Je l'ai revu à Paris quand j'ai dirigé l'Ensemble intercontemporain, à peu près au même moment où Susanna Mälkki en a été nommée la directrice musicale. Je percevais parfaitement l'acuité de sa rhétorique, de son raisonnement. Ensuite, je l'ai beaucoup côtoyé à l'époque où je dirigeais l'Orchestre de la SWR à Baden-Baden. Je le rencontrais sur place, à l'occasion de conversations privées ou de déjeuners. On évoquait beaucoup de sujets et davantage la musique des autres que la sienne propre – un sujet qu'il abordait assez peu. Il était intarissable sur Debussy, Wagner… et les autres. À la fin de sa vie, beaucoup se demandaient tous comment la vie musicale serait quand il ne serait plus là. Il avait gagné une sorte de sagesse de par son raisonnement et les opinions qu'il dispensait. Je pense pouvoir dire sans crainte qu'il nous aurait dit lui-même qu'il ne fallait pas regarder en arrière mais aller de l'avant. Je lui ai dit un jour qu'il fallait organiser un musée Pierre Boulez. Il s'est insurgé : "comment ? mais vous n'y pensez pas !..." J'ai toujours été frappé par la façon dont il demandait aux jeunes compositeurs quasiment de le violenter avec du neuf, de nouveaux chemins… il les forçait d'une certaine manière à être et rester modernes.
Vous-même vous refusez l'esprit de chapelle, vous n'êtes jamais vraiment là où l'on vous attend, comme de diriger Philippe Manoury et Théodore Dubois, Helmut Lachenmann et Félicien David… Comment expliquer ces rapprochements ?
Il faut dire et redire qu'une trajectoire d'interprète, de chef ou d'instrumentiste, ce n'est pas quelque chose de décidé à l'avance. Il faut sans cesse essayer de nouvelles perspectives. On voit ensuite si ça fait sens. Si ce n'est pas le cas, on abandonne… Sinon, on continue. C'est exactement comme avec la création. C'est un risque nécessaire qu'il faut prendre. Personnellement, j'ai été attiré et intéressé par cette musique de la seconde moitié du XIXe. Ce répertoire a beaucoup souffert de la comparaison et du complexe que lui opposait la musique de Wagner avec le chromatisme et les nouvelles voies qu'il montrait. Malheureusement, ces musiques ont été progressivement oubliées au XXe Siècle. Je me souviens d'avoir présenté pour mon prix de flûte, la Fantaisie sur Mignon d'Ambroise Thomas. J'avais découvert la partition presque par hasard dans une bibliothèque de la Rue de Rome.
Je pense sincèrement que ce qui fait l'identité de la trajectoire d'un musicien, ce sont ces ajouts, ces expériences. Je ne me suis jamais dit "je serai ceci ou cela plus tard"... Ma carrière est le résultat de goûts que j'ai développés, dont certains depuis l'adolescence. J'assume mes contradictions, mais je dois avouer que je prends un soin particulier à programmer des compositeurs qui tous, ont été considérés à leur époque comme des compositeurs d'avant-garde. Je suis en revanche toujours très surpris des goûts de certains de mes collègues en matière de musique contemporaine. Ils s'attachent à montrer comment les musiques du passé ont été extraordinairement modernes et révolutionnaires et a contrario, ils n'aiment dans le répertoire d'aujourd'hui que ce qui est consensuel et rejettent tout ce qui est à l'avant-garde. J'aime à savoir qu'une œuvre va provoquer chez moi un approfondissement ou un bouleversement. Je suis très volontaire dans mes choix mais je laisse la porte entrouverte pour de nouvelles perspectives que je n'ai pas encore appréhendées.
Que ce soit à l'opéra ou au concert, dans la musique XIXe ou contemporaine, vous défendez un répertoire français, y compris dans des œuvres rares. La musique française a-t-elle selon vous une identité et une singularité par rapport à d'autres domaines ?
J'ai dessiné des trajectoires reliant Lully à Rameau et Gluck, puis Berlioz, Debussy et Boulez. La première fois que j'ai dirigé Rituel (in memoriam Bruno Maderna) de Pierre Boulez avec Les Siècles, c'était l'aboutissement d'un long parcours accompli avec cet orchestre. La qualité de l'articulation que nous avons atteinte, c'est un fil qui vient de Debussy, qui lui-même vient de Rameau et au-delà… L'histoire de la musique française, c'est une histoire passionnante mais souvent contrariée par d'autres arts et par la culture telle qu'elle est vue dans notre pays. C'est vrai, je dirige beaucoup de musique française, Mitteleuropa et germanique. Pas beaucoup de musique russe (en dehors de Stravinski), pas tellement de musique anglaise ou scandinave. Il y a d'un côté, cette musique germanique qui investit tous les secteurs, liée étroitement à la vie des gens et, a contrario, la musique française qui a toujours été un contrepoint, un parfum à la vie et pas du tout – même si la comparaison a ses limites – une "nourriture" comme ça peut être le cas avec la musique en Allemagne. Il y a toujours de l'intérêt à dégager ce qui fait cette singularité dans la musique française.
Vous allez diriger prochainement au Théâtre municipal de Tourcoing la Djamileh de Bizet (avec La Princesse jaune de Saint-Saëns). Toujours pas de Carmen ?
Il y a une sorte de balance à trouver, à la fois pour moi-même mais également pour les musiciens et aussi pour le public. Bien sûr, je ne dirige pas que des raretés ou des nouveautés, mais je ne dirige pas non plus que des tubes. Il en va bien sûr de ma responsabilité mais, sans chercher la provocation, les chemins de traverse m'intéressent. Je sens que je n'aurai pas forcément d'entrain immédiat pour une œuvre rabâchée et très connue comme Carmen. Ce n'est d'ailleurs pas systématique puisqu'il m'est arrivé de beaucoup diriger et d'enregistrer la 5e de Beethoven… Entre rareté et musiques célèbres, c'est un équilibre fondamental. Il faut en revanche, revenir à la lecture de la musique. Je me bats toujours contre le souvenir. Le souvenir en musique, c'est quelque chose qui peut être absolument désastreux. Si par exemple, on imagine une vie où on ne joue que des œuvres qu'on a connues dans le passé et qu'on entretient dans le présent, je suis persuadé alors que le souvenir prend le pas sur la lecture. Diriger des créations ou bien des œuvres moins jouées, c'est entretenir la nécessité de l'étude et de la lecture. C'est très sain. La musique est un art vivant qui demande à revenir toujours à cette lecture originelle.
Pas d'opéra italien ni de Wozzeck - Lulu non plus ?
Berg est en projet… et je pourrais ajouter aussi la Petite fille aux allumettes de Lachenmann ou bien Moses und Aron de Schoenberg. En revanche, je ne me sens pas du tout attiré par l'opéra italien… Peut-être un jour Falstaff !.. mais tout ce qui est Bel canto, ça m'ennuie un peu.
La partition du Sacre du printemps a fait l'objet d'un travail d'édition très poussé pour retrouver l'original de 1913. Quelles solutions avez-vous privilégiées pour Pelléas ?
On a fait un énorme travail d'édition avec Les Siècles, notamment à partir de tout le matériel archivé à la Fondation Royaumont mais, pour des raisons de droits, on n'a pas pu la rendre publique. Pour ce qui est du Sacre et toutes les œuvres que je dirige, je prends un soin méticuleux à revenir aux éditions originales en faisant systématiquement un travail de recherche… que ce soient Stravinski, Debussy avec Les Siècles ou Bruckner avec l'orchestre du Gürzenich de Cologne. Pour le Sacre, on a eu accès à des documents aussi extraordinaires que la première partition de Pierre Monteux, l'autographe conservé à la fondation Sacher mais aussi du matériel d'orchestre et plusieurs premières éditions. L'Orchestre Les Siècles a reçu de l'éditeur Boosey and Hawkes l'autorisation de jouer cette édition mise au point à l'occasion du centenaire en 2013.
Je viens de donner la version originale de la Quatrième symphonie de Bruckner où il y a des choses passionnantes, et dans laquelle on comprend bien mieux les versions ultérieures et le geste visionnaire de Bruckner. Les différentes versions d'une œuvre, c'était un grand sujet de discussion avec Pierre Boulez. Il parlait en compositeur et préconisait de revenir à la dernière version. C'est évidemment contestable chez quelqu'un comme Bruckner, mais dans le Sacre également… Dans la coda de la danse sacrale, Boulez fait jouer les cordes en pizzicato alors que dans la version définitive c'est marqué arco ("archet"). Je le lui ai fait remarquer et il m'a répondu : "c'est parce que dans la version postérieure, il y avait marqué "pizzicato".
Plus tard, je suis tombé sur la correspondance entre Ernest Ansermet et Igor Stravinski au sujet de la plus grande modification opérée au début de la danse sacrale – cette alternance archet / pizzicatos prévue dès le départ. Ansermet lui demande s'il compte rétablir cette notation. Stravinski lui répond "peut-être dans 70 ans, quand les musiciens seront prêts pour cette virtuosité".
On trouve parfois dans les premières propositions des choses plus radicales, un geste plus fou, des choses atténuées par la réalité concrète de l'interprétation… Boulez lui-même, quand on entend les premières versions du Marteau sans maître, elles font 10 à 15 minutes de moins que les versions plus tardives ! Chez Debussy, la mise sur le métier est presque maladive. Il faut voir par exemple les corrections du Prélude à l'Après-midi d'un faune. C'est comme s'il n'arrivait pas à se détacher de l'œuvre. Il a corrigé cette œuvre jusqu'à la fin de sa vie, comme s'il était incapable de formuler sa version idéale. Dans le fonds Royaumont, on trouve des premières esquisses, avec un geste extrêmement allant, très loin d'une certaine tradition de pathos et d'alanguissement qu'on y trouve souvent. On se baigne dans ces harmoniques sublimes mais on oublie le geste initial. Bien sûr, il faut ensuite interpréter et ne pas rester dans une confrontation de recherches scientifiques.
Le contre-exemple au retour à l'autographe, ce sont les musiques de transition dans Pelléas. Il y a ici une raison pratique à l'origine de cet ajout, mais à l'arrivée, c'est une plus-value esthétique majeure…
Gardiner l'avait donné sans les intermèdes à Lyon avec Strosser, puis il s'était ravisé et les avait rajoutés quand il a dirigé Pelléas à Favart. Quand on voit la fulgurance et la rapidité avec laquelle Debussy a composé ces interludes, je pense que ces pages étaient prêtes en lui de toute manière. Ce ne sont pas simplement de belles musiques mais des passages avec un sens structurel extraordinaire. On ne peut plus penser la dramaturgie musicale de l'œuvre sans ces interludes. L'orchestre est ici soit en écho de ce qui vient de se passer, soit annonce la scène à venir…
Un souvenir de Parsifal et des Verwandlungsmusik (musiques de transformation) ?
Debussy est empreint du début à la fin de Wagner... Mais Pelléas reste complètement Debussy. Ça transpire à tout moment de cette notion de flux, avec cette musique qui avance comme un tsunami irrépressible. C'est Parsifal… et déjà Tristan. C'est tout ça et en même temps, Pelléas va ouvrir le champ des possibles comme aucun autre opéra avant lui. Sans Pelléas, il y a aurait peut-être pas eu Wozzeck ni Soldaten mais Debussy a réussi à ouvrir encore plus de perspectives pour l'opéra du futur au XXe. Cet héritage demeure aujourd'hui encore un champ des possibles extrêmement vaste. Je reste toujours fasciné par le fait que la musique sonne toujours extraordinairement moderne, aventureuse et utopique : on va faire chanter Golaud a cappella, on va jouer tous ces leitmotives, on va refuser la mélodie pendant si longtemps… et tout ça avec une audace extraordinaire. Ça, c'est réellement fascinant.
Êtes-vous intéressé par des œuvres inachevées de Debussy comme La Chute de la Maison Usher ou Le diable dans le beffroi ?
Il faudrait que je regarde de très près. C'est la même chose pour le Martyre de Saint Sébastien, avec tous les passages orchestrés par André Caplet. Autant je suis intéressé par le retour aux sources, autant les reconstitutions dans le style Dixième symphonie de Mahler ou dernier mouvement de la Neuvième de Bruckner… ça m'attire moins.
Vous allez prochainement reprendre Die Soldaten (Les Soldats) de Zimmermann ?
C'est un projet avec Calixto Bieito. Il ne s'agit pas de la reprise de la production qui a tourné à Zurich, Berlin et Madrid. On a voulu mener une réflexion sur la possibilité de donner Soldaten dans de grands auditoriums. Calixto connaît très bien l'œuvre, il a prévu d'intervenir sur une mise en espace assez sobre dans trois magnifiques salles : les philharmonies de Cologne, Hambourg et Paris. C'est un grand plaisir de reprendre cette œuvre dans ces conditions-là. Les chanteurs auront une relative liberté de déplacement dans l'espace ; on a décidé de recourir à un système de sonorisation optimal pour éviter des problèmes de balance avec l'orchestre. Je suis très impatient de collaborer avec Calixto ; on s'est rencontré à Amsterdam, pour l'opéra de Rudi Stephan, Die ersten Menschen (Les Premiers hommes) 1. C'était une rencontre extraordinaire, je le considère comme un frère.
References
1. | ↑ | Vidéo en ligne sur : https://www.arte.tv/fr/videos/103952-000-A/rudi-stephan-les-premiers-hommes/ |
© Marco Borggreve (photo 2)
© Mark Allen (photo 3)
© Holger Talinski (photo 4)
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