David Marton nous a reçus à l’Opéra de Lyon, au lendemain de la première de Don Giovanni, un spectacle complexe et fascinant dont nous avons rendu compte par ailleurs. Détendu et déterminé, il nous parle de sa manière de considérer le théâtre musical, de ses expériences, de sa formation, et il éclaire les options qui ont conduit à sa vision de Don Giovanni. Refusant les chemins conformes ou conformistes, David Marton montre où il aimerait conduire le public d’opéra vers une réflexion approfondie sur un opéra largement connu du public, et comment il invite à tromper les attentes pour aller « derrière les yeux ». Passionnant.
Votre formation est essentiellement musicale, vous êtes pianiste. Comment êtes-vous arrivé au théâtre ?
Par le théâtre musical. J’ai étudié le piano et la direction d’orchestre, et j’ai étudié la mise en scène comme étudiant en direction d’orchestre à l’École Supérieure de musique Hanns Eisler de Berlin. J’étais très intéressé par le théâtre et je suis entré en dialogue avec les étudiants en mise en scène pour m’essayer à des projets. Et puis tout est allé très vite, j’ai changé de cursus en passant de direction d’orchestre à mise en scène, ce que la Hanns Eisler n’a pas du tout compris. J’ai cherché à gagner un peu d‘argent et j’ai eu la très grande chance de travailler comme musicien auprès de metteurs en scène comme Frank Castorf ou Christoph Marthaler ! C’était un pur hasard mais ça m’a attiré et j’ai commencé à travailler à mes propres projets.
Pourquoi avez -vous quitté la Hongrie pour Berlin ? N’y avait-il pas de tels cursus dans votre pays ?
Oui bien sûr ! J’ai commencé à étudier à l’Académie Franz Liszt de Budapest, et puis j’ai cherché des cours d’été. J’ai pu être inscrit au cours d’un professeur nommé Klaus Hellwig, qui à la fin des deux semaines de leçons m’a demandé si je voulais intégrer sa classe. Et je lui en sais gré. J’étais à Budapest, dans une ville agréable mais très conservatrice, un peu paresseuse du point de vue culturel aussi, tout comme l’académie Franz Liszt qui est un grand nom, mais qui du point de vue intellectuel n’est presque rien. Et je suis arrivé dans une ville qui était exactement le contraire, incroyablement plus ouverte, plus curieuse, très humaine aussi, et très intéressante. J’y étais venu pour un an et j’y suis depuis vingt-deux ans…
Vous avez donc travaillé à la Volksbühne avec Frank Castorf et Christoph Marthaler entre autres, qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
Elle m’a tant apporté ! Avant tout l’amour du théâtre. Même s’ils sont très différents l’un de l’autre, ils sont en quelque sorte semblables. L’un parle doucement et l’autre fort, l’un est rapide et l’autre plutôt lent, mais ce sont des extrêmes d’un même spectre, tant par leur vitalité que leur spontanéité. Auprès d’eux dans ce contexte je me suis senti très « vital ». Ce fut une expérience spéciale.
Dans votre travail la question musicale joue un grand rôle. Où est le problème de la musique au théâtre ?
Je ne pense pas que la musique soit un problème au théâtre. Mais à l’Opéra, oui. Il est très intéressant de voir que la musique se situe toujours et exclusivement au niveau de l’interprétation d’un monde qui n’a rien à voir avec la musique. Nous y voyons des guerriers, des familles royales, des filles-fleurs qui par la musique racontent leur vie. Mais nous y voyons rarement des musiciens. La musique, la composition musicale est très rarement un thème de théâtre musical. Il y a sans doute de bonnes raisons, mais cela m’intéresse parce que le monde décrit ne parle pas de musique alors que je trouverais intéressant de savoir ce que pense La comtesse de la musique, quelle musique elle aime et elle écoute : les aristocrates ont toujours écouté et fait de la musique ; j’apprécierais que dans le théâtre musical on puisse représenter des opéras et des mondes qui soient en soi musicaux. Je trouve irréaliste que les scènes où l’opéra est représenté soient des espaces sans musique. Nous vivons dans un monde où nous sommes entourés de musique, de sons, de bruits alors qu’à l’opéra nous représentons des mondes sans musique. La musique est toujours en-dessous, dans la fosse d’orchestre, mais dans le monde représenté sur scène, il n’y a ni musique, ni opinions sur la musique, ni même ce que la musique considère comme important dans ce monde. Leporello peut chanter parce qu’à travers son chant il peut raconter sa vie, mais quelle musique entend-t-il, quel comportement a-t-il envers la musique ? Je trouve cela excitant parce que nous sommes à l’Opéra dans un anti-monde.
Vous avez fait à Lyon Capriccio, dont le thème est justement prima la musica ou prima le parole. Sont-ce là les raisons de votre choix ?
Non, c’est clair ! Mais je l’ai sans doute cherché...Serge Dorny m’a proposé de le faire, alors que je ne voulais pas faire d’opéra. Mais j’avais un souvenir nostalgique de Lyon où nous avions présenté Don Giovanni keine Pause qui avait été une belle expérience. Je savais en outre que l’Opéra de Lyon était un lieu fantastique, où la question dramaturgique était vraiment traitée. Alors je me suis dit : « Pourquoi pas ? ».
Vous n’aviez peut-être pas fait d’opéra, mais un théâtre où la musique était centrale, dans de plus petites formes, autour de Lulu, de Don Giovanni justement. Maintenant vous en êtes à votre quatrième production à Lyon. Avez-vous de l’opéra ailleurs ?
Jusqu’à maintenant non.
Chacune de vos productions provoque des discussions passionnées. Mais le parcours de Capriccio à Don Giovanni, semble aller vers plus de complexité. La production de Don Giovanni a de fait un peu désorienté une partie du public…
Ce n’est pas mon intention de désorienter le public. J’ai simplement pensé que lorsqu’on entame un dialogue avec un public, on peut aller toujours plus loin. Peut-être fais-je erreur.
Don Giovanni est une œuvre très complexe et qui peut désorienter, je dirais que Capriccio est une pièce plus linéaire. Les dialogues, les personnages sont en fait pleins de clichés. Ce n’enlève pas l’intérêt mais c’est une composition savante d’un Strauss vieillissant qui ne veut que composer, et le discours qu’il porte n’est pas vraiment complexe. Que la mise en scène de Capriccio ait été plus lisible que Don Giovanni ne tient pas à moi, mais à ce que c’est un travail plus simple.
Don Giovanni est pour moi une œuvre plus personnelle, à laquelle je suis profondément lié. On ne peut le prendre pour un simple « entertainment », on doit aller plus loin. Jusqu’où ? J’espère toujours que le public va pouvoir entrer dans ce monde. Ce n’est jamais arrogance de ma part car je souhaite que le public soit séduit, tantôt ça marche, tantôt non. Je dois cependant ajouter que particulièrement dans cette maison, à Lyon dans laquelle j’ai tout particulièrement travaillé, je trouve qu’on y est plus proche du théâtre et que Serge Dorny a cherché à former un public « libre-penseur ». Le public est ici bien plus intéressant ici que celui de l’opéra à Berlin, même si c’est malgré tout un public d’opéra.
Le public d’opéra a une très forte attente et ses réactions ne sont pas seulement relatives à ce qu’était la soirée, mais aussi à ce qu’était la soirée par rapport aux attentes. J’ai un problème envers cette attitude et j’ai envie de m’y opposer parce que c’est très dérangeant. Je ne prétends pas à une soirée parfaite, mais j’aimerais proposer des choses qui permettent de réfléchir et de ressentir, en aucun cas de rassasier les attentes de gourmets qui se disent « Oh ! Comme l’entrecôte était bonne !». Pour ça autant aller dans un bouchon lyonnais. Mais l’art, et je tiens l’opéra comme un art, même s’il n’est pas aussi vivant qu’il ne l’était avant, ne fonctionne pas comme la cuisine. Il ne suffit pas de se reposer parce qu’on a cuisiné aussi bien qu’hier. Le théâtre est un monde de surprises, d’inattendu, de dérangement.
Je cherche toujours une balance : comment puis-je rencontrer un public qui est chez lui ? J’ai trouvé la soirée d’hier remarquable, les premières le sont toujours un peu. J’essaie quant à moi de rester à Lyon pour les représentations suivantes parce que je suis curieux et que j’ai toujours appris aussi bien pour Orphée que pour Damnation que même si la première était un peu agitée, le public dans sa grande majorité ensuite était heureux d’avoir vu quelque chose de différent, pour penser et sentir autrement. Cela me réjouit et suis très curieux de voir ce qui se passe avec Don Giovanni.
Et cette production doit être projetée en vidéo le 7 juillet dans de très petites villes de la région.
Ça excite ma curiosité, même si cette mise en scène n’est pas faite pour être vue en mangeant une salade de pommes de terre ! Entendons-nous bien : j’adore moi-même ces retransmissions en plein air, leur atmosphère, et je ne suis pas ironique sur ce type de manifestations. Mais on doit savoir ce qu’on fait et quelle mission culturelle il y a derrière. Pour moi c’est autre chose de dire, « nous allons dans cette salle noire de l’Opéra de Lyon », avant tout devant des gens qui ont vu la pièce des milliers de fois, et nous y faisons face. C’est une tout autre mission culturelle que d’aller dans de petits villages pour projeter Don Giovanni sur un écran. Je trouverais plus intéressant d’aller dans ces petites villes et de jouer Don Giovanni « Live » même sur les places publiques. Mais je suis curieux quand même !
Qu’est-ce l’opéra Don Giovanni pour vous ?
Une création très surprenante, préromantique à l’extrême ! Je crois vraiment que Mozart et Da Ponte sont allés ici bien au-delà de leur époque, je pense à Werther, à Goethe, au Sturm und Drang. Je trouve que Don Giovanni est une miniature à la E.T.A Hoffmann, pas seulement parce que Hoffmann aimait passionnément cette œuvre, ce serait un regard en arrière, mais parce que les mondes, les ambiances visuelles et sonores de Don Giovanni, sont ces mondes sombres, obscurs, schizophrènes qu’on trouve chez Hoffmann.
Et qu’est ce Don Giovanni comme personnage pour vous ?
Toujours autre, toujours différent. De telles figures mythologiques, comme Don Giovanni qui ont connu tant d’avatars dans la littérature, ont tant de visages observables que je prends toujours beaucoup de plaisir à les voir toujours autrement. Dans le travail que j’avais fait il y a dix ans, Don Giovanni était une femme à la voix veloutée, c’est cette fois-ci un très jeune homme sujet à d’extrêmes sautes d’humeur. Mais je ne dis pas : « c’est Don Giovanni ! » ce serait ridicule. Je suis aussi curieux de savoir comment d’autres voient le personnage. Mais cela m’a vraiment passionné de chercher Don Giovanni dans cette sorte de personnage.
Mais y-a-t-il un personnage « Don Giovanni », ou n’est-il que la projection des autres personnages. Un « Non » Giovanni en quelque sorte ?
Oh ! Joli !
C’est une question complexe qui induit de décider entre une représentation matérielle ou idéaliste. Est-ce le monde ? Est-ce une vanité ? Il y a hic et nunc quelqu’un, mais il y a aussi des projections à l’infini.
C’est une interaction des deux. Dans la version que nous représentons, Don Giovanni est non seulement ce jeune homme désemparé, hyperactif et vital à l’extrême, mais aussi le Don Giovanni de la littérature que les autres ont dans leur tête, c’est vrai.
Le lit central, je le vois presque comme une vitrine de musée qu’on viendrait regarder. Qu’en est-il de ce lit où Don Giovanni se trouve comme un objet qu’on regarderait dans un musée ?
Je ne peux dire qu’il y avait là une intention, mais je peux en partager l’idée : le lit central n’appartient à personne mais à une idée. C’est doublement voyeuriste. Nous regardons comme des voyeurs ceux qui sont dans le lit, et ceux qui sont dans le lit ont aussi la perspective du voyeur.
En voyant votre travail on a l’impression que vous détournez toutes les attentes du public, non sans humour d’ailleurs, que la musique vous sert aussi à mettre à distance, par exemple cet Ottavio qui vieillit à vue, Zerline qui se déshabille comme une sorte de danse des sept voiles ou ce final du premier acte où il n’y a pas de combat entre Don Giovanni et les autres, mais où les autres deviennent spectateurs d’une sorte de concert de salon.
Vous parlez justement d’attentes du public et moi j’ai l’impression que le monde de Donna Anna et de Don Ottavio est un peu le monde des spectateurs d’opéra, qui se fâchent quand quelque chose qu’ils ne veulent pas survient. C’est aussi le moment où Don Giovanni ressemble vraiment à Don Giovanni avec son beau manteau et plein d’énergie : les seconds rôles ont créé leur rôle principal ! Oui, comme vous l’avez dit, j’ai délibérément pensé montrer par curiosité ce qui se passait si dans un opéra entier on prenait un autre chemin que ce que les attentes nous dictent, mais pas pour indigner ! Simplement parce que je pensais qu’il était intéressant de montrer la déviation de l’image par le mot d’origine et par la musique pour les lire ensemble. Aussi bien dans la scène de Zerline que celle de Don Ottavio, j’ai essayé de les rendre ridicule. Scène à scène, cette possibilité la possibilité en existe soit dans le texte soit dans la musique. Il n’y simplement pas d’action et la musique est si sublime qu’on n’a pas envie d’action derrière. Si c’était un opéra qu’on voyait pour la première fois ou pour la deuxième, où l’action doit expliquer, je ne l’aurais pas fait, mais avec la meilleure volonté du monde, je me demande pourquoi je devrais une fois encore raconter l’histoire de Don Giovanni, on la connaît, on peut la lire après et toute l’histoire est lisible dans les surtitres. Je ne vais pas encore moi-même me mettre à raconter ce que chacun connaît ou peut connaître aisément.
J’ai pensé que le théâtre et l’opéra peuvent montrer de multiples strates. Il pourrait être intéressant qu’une image, une situation une signification soient lues ensemble avec texte et action mais en contrepoint.
Et cet adolescent en pyjama, qui est-il ?
Pour moi la figure du commandeur est une figure impossible. Le commandeur a plus à faire avec la peur de quelque chose d’énorme chez un enfant, avec le monstre qui traverse les murs. J’ai vu beaucoup de Don Giovanni et je trouve toujours dommage d’être si peu touché par cette situation. Les variations sur le thème que j’ai vues sont simplistes et je ne voulais pas faire de même, sauf à refaire quelque chose d’historique, mais comment faire une statue qui traverse les murs ?
Et pour moi le commandeur est plus une forme enfantine de la peur, peur du noir, peur de l’inconnu, peur de la vie, et j’ai essayé de le rendre.
Vous avez écrit que Leporello est le personnage principal de l’œuvre. Est-ce que la production est un rêve de Leporello fan de musique ou de l’ensemble du public ?
Des deux.
Il y a une réelle différence entre le premier et le deuxième acte, dans le rythme, mais aussi dans l’atmosphère. La deuxième partie est plus hiératique, presque plus abstraite…
Les deux actes sont très différents. Mozart a construit dans son deuxième acte l’arc le plus grand qu’il ait créé à l’Opéra. Énorme ! Le premier acte commence comme un opéra ordinaire avec une action, tantôt déconcertante, tantôt moins, facile à mettre en scène car il y a des caractères reconnaissables à l’opéra, un peu de bouffe, un peu de soubrette, mais le deuxième acte est vraiment pleinement romantique. Bien sûr il y a ce changement de costume entre Don Giovanni et Leporello, mais je l’ai laissé tomber parce qu’il y a là des paroles de Da Ponte qui sont si belles et un Mozart si inspiré que cela ne va pas avec ce simple échange de costume…Nous sommes dans l’ensemble de l’acte sur des routes nocturnes perdues, vides, sombres, stériles, et Don Giovanni chante son plus bel air pour une fenêtre vide où personne n’apparaît. C’est du E.T.A. Hoffmann pur.
Il y a dans cet acte une explosion de l’informe, Mozart abandonne tout ce qui fait action rationnelle, pour se jeter dans ce monde romantique, dans ces rues vides où cependant le désir de rencontre est incroyablement fort. Pour moi ce monde a à voir avec un Giorgio De Chirico, une peinture très abstraite qui montre aussi quelque chose d’autre qui va ailleurs. La première partie me mène seulement à l’opéra, mais sans vraiment l’avoir théorisé, je ne pouvais faire autrement dans la seconde partie.
Le décor notamment au premier acte fait clairement allusion au théâtre, avec un rideau qui s’ouvre et se ferme. Vous avez voulu aussi faire du « Théâtre dans le théâtre » ?
Oui, c’est clair, mais le rideau était trop bruyant et techniquement cela n’a pas trop fonctionné.
Qui a décidé de Stefano Montanari ou vous, de la version de Vienne sans ensemble final ?
Nous en avons discuté ensemble mais à vrai dire, je voulais faire une version de Lyon ! Ni Prague ni Vienne ! Pour moi la discussion est un peu agaçante parce qu’à l’époque de Mozart les choses n’étaient jamais fixées comme des « versions ». On pensait surtout à un endroit donné, à un théâtre donné, à un public donné et à des chanteurs donnés. La discussion sur les versions est bien plus une mode du XXème siècle. Pour moi les questions étaient, quelle œuvre voulons-nous ou ne voulons-nous pas ? qu’est-ce qu’on veut raconter ? Par exemple, cela fait-il sens d’intégrer Dalla sua pace ? De même renoncer à l’ensemble final a plus à voir avec la thématique qu’avec une décision abstraite sur Prague ou Vienne. Et Stefano était très ouvert.
Justement, comment avez-vous travaillé avec Stefano Montanari ?

Stefano Montanari
Stefano est un homme incroyablement disponible et spontané. J’ai trouvé cela formidable. Au début j’ai eu peur parce que je n’ai eu en main que sa bio et sa réputation de spécialiste de musique baroque. Et moi je n’aime pas la spécialisation en musique. Aujourd’hui il y a une vraie mode du baroque qui n’a aucun sens, et qui ne tient ni sur le plan philosophique, ni esthétique ni même sur le plan sonore. Il y aussi tant d’erreurs et d’inconséquences dans cet historicisme que je n’en vois la justification que dans la création d’un segment commercial, pour mieux vendre des produits de musique classique.
Mais Stefano n’a rien de ces tics de spécialistes, il est simplement un musicien génial. Et ça a été un énorme plaisir ! Il a joué par exemple le continuo au pianoforte. Nous avons discuté de ce choix d’un instrument aussi imparfait et Mozart aurait été le premier à se jeter sur un Steinway s’il avait existé à son époque ! Mais on ne peut pas se mêler trop de musique quand on est metteur en scène !
Il reste que pendant les répétitions nous avions non le fortepiano mais un piano normal, et Stefano a accompagné ainsi les récitatifs. Ce fut un moment musical incroyable, je regrette tellement qu’on n’ait pas pu le proposer ! C’était étonnant, j’ai entendu des choses qui ouvrent l’oreille, le cœur et l’âme, certains récitatifs sonnaient comme du Liszt tardif, d’autres comme Scriabine, d’autres comme Haendel ! avec tant de couleurs tant d’inspiration ! Et sous ce point de vue Stefano est un vrai baroqueux au sens où je suis certain que les musiciens de l’âge baroque étaient bien plus spontanés et plus libres dans leur manière de faire de la musique : Stefano est simplement grandiose ! nous n’avons jamais discuté longtemps d’ailleurs, cela s’est fait dans la spontanéité et dans l’énergie inépuisable qu’il met dans la musique.
Vos travaux vous ont porté essentiellement sur les rapports entre musique et théâtre. Avez-vous fait du théâtre « pur », sans musique ?
Non
Vous avez des projets ?
Oui, à Berlin, et à Vidy-Lausanne 1 la saison prochaine.
Y-a-t-il des pièces qui vous intéressent ?
J’ai fait des pièces de théâtre, par exemple Pelléas et Mélisande de Maeterlinck à la Volksbühne de Berlin, mais j’y ai mis de la musique, j’ai travaillé avec des sonates pour piano de Beethoven. Lulu aussi c’était du théâtre, et nous y avons inséré de tout petits moments de Berg.
Bien sûr j’ai des envies de théâtre, mais en moi le théâtre ne peut fonctionner que si je peux y mettre du son, pas obligatoirement de la musique, mais s’il n’y pas de son c’est seulement du mot et j’y perds quelque chose. On peut représenter des hommes sans parole, mais avec du son.
Et y-a-t-il des opéras que vous désirez mettre en scène ?
Boris Godounov est très intéressant musicalement, si rude, avec un chœur fantastique qui m’enthousiasme. Berg m’intéresse aussi, mais ça peut encore attendre, et j’aime beaucoup Purcell. J’aimerais aussi travailler sur la musique d’aujourd’hui.
En principe je ne m’interdis rien, et j’aime me confronter avec ce que je ne connais pas, je suis comme celui qui ne saurait pas skier, et à qui on demanderait de choisir entre deux pistes, une facile, une difficile: j’irais vers la difficile. Je suis comme ça, c’est peut-être idiot, mais c’est ainsi.
References
1. | ↑ | Narcisse et Echo, road opera librement inspiré d’Ovide. Cf : http://vidy.ch/narcisse-et-echo |
© Jean-Pierre Maurin (Don Giovanni)
© 2014 Fondazione Teatro del Maggio Musicale Fiorentino (Stefano Montanari)