Daniele Rustioni est l'un des chefs d'orchestre les plus considérés de la nouvelle génération de chefs italiens. Le 24 septembre, il ouvrira sa première saison comme directeur musical de l'Opéra de Lyon avec un concert Modest Moussorgski et Piotr Illitch Tchaïkovski (avec en soliste Elena Zhidkova). Il nous parle de sa relation à son nouveau théâtre auréolé de l'Opera Award 2017 comme meilleur théâtre lyrique de l'année, où il a déjà dirigé trois spectacles, et de ses projets, riches, divers, passionnants.
Traduit de l'italien par Guy Cherqui
Avant votre nomination comme directeur musical, vous aviez déjà été invité à l’Opéra de Lyon, rappelez-nous à quelle occasion.
La première fois fut en 2014, un double début, parce que j’ai été invité à diriger Simon Boccanegra, une partition que je connaissais comme assistant de Pappano à Covent Garden, mais que je n’avais jamais affrontée personnellement. C’est un opéra, comme on le sait, passionnant et complexe à cause de sa genèse, qui a abouti à être l’un des plus grands chefs d’œuvre de Verdi. J’ai tout de suite fait l’expérience de l’excellence de l’orchestre et du chœur de Lyon. Non moins extraordinaires les expériences suivantes de La Juive de Halévy et d’Eine Nacht in Venedig de Johann Strauss. Quand j’ai dirigé le Concert du Nouvel An 2017 à Lyon, j’avais déjà été nommé directeur musical et je me suis senti chez moi…
Qu’est-ce qui vous a séduit tout particulièrement dans ce théâtre?
Outre la qualité de l’orchestre et du chœur, la très grande qualité professionnelle qui s’y manifeste, par exemple les longues périodes de répétitions prévues à l’agenda, soit pour les opéras, soit pour les concerts, ce qui est devenu très rare dans des institutions musicales même importantes. L’Opéra de Lyon est considéré le second théâtre lyrique de France, et un des plus importants d’Europe, avec un public nombreux et fidèle, et pas seulement local ou français. Le prix Opera Award 2017 comme meilleur théâtre lyrique de l’année l’a confirmé. C’est là, on doit le reconnaître, le mérite de son Directeur Général Serge Dorny, manager éclairé et directeur artistique à la ligne esthétique bien claire dans ses programmes, dans les productions des spectacles, dans le choix des distributions, des metteurs en scène et des musiciens à inviter sur le podium des opéras et des concerts symphoniques. Avec lui j’ai eu et j’ai actuellement une entente qui me flatte et qui me fait sentir quelle chance j’ai.
Pour votre installation officielle et l'ouverture de saison, vous dirigerez le 9 octobre prochain le War Requiem de Britten en version scénique . Pouvez-vous éclairer ce choix ?
Le War requiem de Britten a une certaine spatialisation, avec ses deux orchestres, l’un symphonique, en fosse, et l’autre de chambre, sur le plateau, trois solistes seulement mais très impliqués dans l’action narrative... Moi qui ai eu l’occasion d‘assister à un très émouvant Requiem de Verdi en version scénique, je suis convaincu de ce choix En plus la salle de l’opéra de Lyon, très particulière par son ambiance sombre et ses éclairages, favorise la concentration à mon avis et crée une atmosphère adaptée à la vision et l’audition de cette œuvre. La mise en scène est de Yoshi Oida, un metteur en scène idéal pour une œuvre qui déplore la guerre et prêche la paix, parce qu’elle cadre parfaitement avec sa connaissance directe de la tragédie de Nagasaki.
Pour l’ouverture de la saison symphonique, le 24 septembre, vous proposerez un programme russe de La nuit sur le Mont Chauve et des chants et danses de la mort de Moussorgski à la Symphonie n°5 de Tchaïkovski. Suivra en février un concert ouvert par la Symphonie n°7 de Beethoven, puis dédié à Ravel et Poulenc. Vous avez en tête une ligne programmatique précise pour les concerts ?
Je pense plutôt à des choix ouverts à une grande variété de répertoires, et en tenant compte de l’ensemble des rendez-vous symphoniques qui seront une dizaine, avec six concerts de chambre en plus.
Mais le moment le plus important sera en cette première année le Festival Verdi avec lequel l’Opéra de Lyon veut souhaiter la bienvenue à son nouveau Directeur Musical qui, né et ayant poursuivi ses études à Milan, pour reprendre les mots qui vous ont été adressés « a dans Verdi ses racines et la branche principale de son arbre généalogique ».
Des mots qui m’honorent. Mais ce qui m’honore encore plus, c’est de m’avoir confié la direction de ce Festival, qui va mettre en lumière trois œuvres qui ont en commun la réflexion de Verdi sur le pouvoir : Don Carlos, Attila, Macbeth. La très grande tension musicale qui leur est commune malgré leur différence de climat dramatique et de style, les rend tout à fait fascinantes pour un chef à qui est donnée la possibilité de s’y frotter. Pour Don Carlos nous avons choisi la version française en cinq actes de 1867, encore peu représentée, proposée dans son intégralité y compris le ballet, et le "Lagrimosa" que Verdi insérera ensuite dans son Requiem. Le metteur en scène Christophe Honoré prévoit une vision théâtrale filtrée par un regard très contemporain. La distribution est composée de chanteurs à l’expérience verdienne éprouvée. Distribution de haut niveau aussi pour l’Attila, autour du protagoniste Dmitry Ulianov, obligatoire pour un opéra d’extrême difficulté vocale, donné en version de concert à Lyon et au Théâtre des Champs Elysées qui le coproduit. Pour ce qui concerne Macbeth, dans la version parisienne de 1865, ce sera la première reprise d’un spectacle très shakespearien mais très novateur, signé Ivo van Hove et proposé avec grand succès en 2012.
Quels projets sont prévus dans l’avenir à Lyon ?
Des projets enthousiasmants pour moi. Il y a à l’horizon deux nouvelles productions du Mefistofele de Boito et de l’Enchanteresse de Tchaïkovski, le premier est un opéra qui fut populaire et qui a toutes les qualités pour le redevenir, le second inconnu, qui mérite une redécouverte. Puis Guillaume Tell en version française, lourde charge musicale, vocale et scénique. Et pour poursuivre les opéras en version concertante, qui sont suivis en France par un large public, Nabucco et Ernani. Ainsi qu'une série de concerts de musique chorale auxquels je tiens beaucoup.
Au-delà de Lyon, vous avez dirigé souvent en France ? Vous aimez y diriger ?
J’ai débuté à l’Opéra National de Paris avec Butterfly et j’y suis retourné cette année avec Rigoletto. De même au Festival de Saint Denis avec le Stabat Mater de Rossini et au théâtre antique d’Orange avec Turandot. J’aime bien en effet diriger en France où les chefs italiens, nous sommes plusieurs collègues à l’avoir constaté, sont accueillis avec une particulière sympathie par les orchestres et le public.
© Lydia Wilson (Yoshi Oida)
© Cofano (Daniele Rustioni)
© Walter McBride – Getty (Ivo van Hove)
2 commentaires
J'ai appris beaucoup de choses de cette interview fort intéressabte ! Bravo
J'ai appris beaucoup de choses de cette interview fort intéressante ! Bravo