Tout d’abord, nous présentons à nos lecteurs nos meilleurs vœux pour une année 2019 positive au plan personnel. Pour le domaine du spectacle vivant qui fait l’objet de ce site, nous aimerions des spectacles riches, passionnants, qui regardent le monde et nous aident à le décrypter.
Ces derniers mois nous nous sommes intéressés au travail de Barrie Kosky, directeur de la Komische Oper de Berlin, l’un des théâtres actuellement les plus inventifs de la planète européenne, toujours accessible à un public large, engagé, participatif, à des années lumières du public fossilisé de la Scala de Milan par exemple. Parce que Kosky travaille avec une attention approfondie tous les répertoires, depuis l’opérette traditionnelle au musical et à l’opéra de toutes les époques : qu’y a‑t-il de commun entre Die Perlen der Cleopatra, Anatevka, Candide ou bien Pelléas et Mélisande ? Essentiellement le regard humaniste porté sur notre monde et sa lutte contre toutes les intolérances qu’elles soient institutionnelles ou familiales, dans une ville déchirée par les blessures de l’histoire et qui se relève aujourd’hui en continuant d’être ce qu’elle était il y a un siècle : la plus ouverte, la plus disponible, la plus vivante d’Europe.
« Une mise en scène n’est jamais neutre. Toujours, il s’agit d’un choix. »
Antoine Vitez
Dans cette Berlin, Bertolt Brecht a porté une réflexion sur le théâtre comme regard critique sur le monde, qui continue d’animer la dramaturgie de l’autre côté du Rhin. Qu’on le veuille ou non, la question de la mise en scène cristallise encore des oppositions et des crispations, mais trace aussi des frontières qui sont de vraies frontières culturelles, par exemple entre l’Europe et les Etats-Unis. Les grands metteurs en scène américains font carrière en Europe et pas dans leur pays, même si les Etats-Unis ont été dans les décennies qui suivent la deuxième guerre mondiale un foyer passionnant de la réflexion sur l’acteur et la dramaturgie, qui a enrichi le cinéma, mais pas le théâtre de l’autre côté de l’Atlantique. Il suffit de constater combien il est difficile de donner au MET de New York un rôle moteur dans la diffusion de nouvelles visions scéniques à l’opéra. En Europe, le théâtre se veut outil de lecture du monde, aux Etats-Unis désormais, il est essentiellement Entertainment.
Ce site qui atteint l’âge adulte a défendu depuis sa création une vision du théâtre et de la mise en scène qui se veut la plus large possible, et continuera de défendre des visions problématiques des œuvres, qui en font des vecteurs de culture et des regards originaux sur notre monde. Profondément wagnériens, nous voyons dans l’œuvre d’art une question permanente posée au monde, profondément brechtiens, nous sommes persuadés qu’une société sans théâtre est une société mouroir de la pensée. C’est aussi la raison pour laquelle nous défendons ardemment l’œuvre de Frank Castorf dont le regard acéré sur la civilisation occidentale semble déranger tant de spectateurs.
Que 2019 contribue à la victoire de la pensée.
Cet article a été écrit par Guy Cherqui et David Verdier