Wanderer

Fricka dans Rheingold (Sarah Connolly 2016)

Le réveil est difficile. Quand Fricka ouvre un œil dans une chambre du Golden Motel, elle découvre qu'elle a passé la nuit avec Wotan… et sa sœur Freia. Il faut rapidement effacer les traces de cette nuit de débauche alcoolisée :

"Wotan, Gemahl, erwache!"

Le Walhalla est construit. Vite, vite… il faut sortir du lit et revenir à la réalité. Le propriétaire des lieux est encore dans ses rêves, il plane très haut dans les nuages tandis que la potiche concupiscente s'inquiète pour la douloureuse et le sort réservé à sa sœur. On nage en plein vaudeville, en plein Dallas ("Ton univers impitoyaable") ; le couple Wotan-Fricka rappelle aisément J.R.Ewing et Sue Hellen…

Dans Das Rheingold, Fricka subit les événements en tentant de faire bonne figure pour faire oublier les frasques de Wotan. Aveuglée comme lui par la puissance de l'or et de l'anneau, elle le pousse à s'emparer du trésor, quitte à feindre d'oublier que Freia a été mise en gage. Dans Die Walküre, elle prend les commandes, harcèle et culpabilise son mari au nom de la protection des lois et de l'amour conjugal légitime. Au prétexte de mettre à l'index l'amour incestueux entre les jumeaux Siegmund et Sieglinde, elle obtiendra de Wotan la promesse de faire périr son propre fils.

Pour matérialiser l'ingratitude et la rigidité de caractère, Castorf choisit de montrer l'enquiquineuse en douairière azéri, le front ceint d'une chaîne dorée et ample robe sombre. En guise de chariot tiré par des chèvres, elle est portée par un ouvrier (elle est assise dessus en 2016) qu'elle frappe avec délectation. Cette caricature de domination sociale donne une dimension supplémentaire à l'humiliante casuistique qui finit par faire tomber Wotan – pris au piège des règles qu'il a lui même édictées.

Fricka dans Die Walküre (Claudia Mahnke 2015)

Cet article a été écrit par David Verdier et Guy Cherqui