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Anarchisme et Communisme…

Les Walkyries sont ces vierges furibardes qui parcourent les champs de bataille à la recherche des héros qui viendront tenir compagnie à Wotan dans son Walhalla. Leur célébrissime "chevauchée" agit comme une signature musicale éminemment identifiable. Frank Castorf tourne le dos à une certaine tradition (y compris Chéreau) consistant à montrer ces guerrières sur leur rocher et dans la plus pure tradition casques, lances et cuirasses…

Une selle de cheval discrètement posée sur une rampe d'escalier sert de pense-bête (Cf. article Grane), l'intérêt est ailleurs. Ces dames font leur entrée dans ce qui ressemble à un coquet Biergarten avec guirlandes lumineuses et rafraîchissements, juste en dessous d'une tour de bois surmontée d'une étoile rouge. Elles portent chacune des costumes traditionnels qui les identifient volontiers comme représentantes de diverses républiques de la jeune URSS. Les broderies alternent avec les ornements dorés et les somptueux velours ; pas de doute, on est visiblement dans la "haute"…
Le contraste est saisissant quand fait irruption un groupe d'ouvriers agitant un drapeau rouge et noir. Ils gravissent les marches et tentent de planter le drapeau au sommet de la tour pour remplacer le symbole soviétique. Peine perdue : Un gaz mystérieux anéantit leurs espoirs, les exterminant en quelques instants tandis que les Walkyries continuent leurs papotages, visiblement immunisées contre ce poison.

Rouge et noir : Comme la combinaison latex que portait Freia dans Rheingold.
Rouge et noir : comme le drapeau du communisme libertaire, mouvement idéologique cherchant à combiner en marge du bolchevisme, l'anarchisme politique et le communisme. Proche de ce qu'on a également appelé l'anarcho-syndicalisme, le communisme libertaire propose l'abolition de la propriété privée mais dans le but de la remplacer par une "possession individuelle", alternative au collectivisme marxiste. Pour parvenir à une société libertaire et l'autogestion, une seule méthode : le syndicalisme, couplée à l'action directe et à la grève générale expropriatrice.

Après avoir montré Wotan en directeur d'exploitation d'un puits de pétrole artisanal, Castorf saisit l'occasion de mettre en scène un épisode important du basculement politique qui conduisit à l'hégémonie du parti bolchevique (et son évolution vers le stalinisme). Au deuxième acte, Wotan lisse sa longue barbe en parcourant la "Pravda" – cette "vérité" dont l'équivalent se retrouve dans les runes gravées sur sa lance. Quand il se lève de son fauteuil, c'est pour houspiller les ouvriers qui s'activent en arrière-fond. Les vidéos montrent des films de propagande à la gloire de l'industrie pétrolifère de la République azerbaïdjanaise (envahie par l'Armée rouge en 1920, soit deux ans après sa création). Ces images alternent avec des scènes reconstituées à la manière d'un film d'époque par les comédiens de Castorf. On y voit l'extrême misère des ouvriers, affamés et maltraités par ceux qui profitent de la manne du pétrole – misère qui sera à l'origine de l'engagement de Staline, principal organisateur des grèves au sein des exploitations pétrolières de Bakou entre 1907 et 1912.
Au troisième acte, la défaite des anarcho-communistes est célébrée par le drapeau rouge qu'une Walkyrie agite frénétiquement telle un toréador, et qui servira de nappe sur une table du Biergarten (On retrouve ce drapeau rouge et le geste à l'identique effectué par Patric Seibert dans Götterdämmerung – Cf. articles Taureau et Banane). Cette insistance répétitive du symbole révolutionnaire se retrouve à plusieurs reprises dans le Ring. C'est d'abord ce petit livre rouge dans lequel Mime trouve la recette du poison qu'il destine à Siegfried. Plus loin, au moment de quitter la scène dans Siegfried, Alberich dépose au sommet de l'échafaudage du Mount Rushmore communiste un minuscule drapeau rouge.
Oubliés les idéaux de Proudhon et Bakounine[1], l'hégémonie étatique a triomphé – apportant avec elle son cortège de slogans et de propagande productiviste, peints en grands caractères cyrilliques et azéris sur les murs et la toiture d'un puits de pétrole désormais équipé d'un système mécanique perfectionné sur laquelle on a accroché un drapeau rouge (Cf. article Grane). Bakou devient le premier producteur mondial de pétrole tandis que les bolchéviques s'approprient l'usage du terme "communisme"… bien qu'il ne s'agisse que d'un collectivisme d'Etat. La lutte des classes a bon dos (en témoigne le pauvre hère sur lequel est juché Fricka) et la dictature du prolétariat se retournera contre la classe ouvrière.
Castorf avait déjà glissé une allusion politique dans la révolte de Fasolt et Fafner venant exprimer leurs revendications syndicales. En montrant le détournement de Freia par sa transformation physique, il montre comment la capture de la déesse pourvoyeuse de pommes d'or est un enjeu crucial pour le destin des dieux et les conséquences dramaturgiques. Sans Freia, les dieux en sont déjà à leur crépuscule. Avec une Freia désormais "rééduquée", c'est le danger révolutionnaire qui est introduit directement au cœur du Walhalla. Tout juste bâti, il ne tardera pas à partir en fumée.
Autre symbole dans Götterdämmerung : Quand Siegfried découvre les affiches d'extrême-droite dans le local où logent deux sans-domiciles fixes, il les recouvre à l'aide d'une bombe de peinture d'un "A" cerclé. Ce symbole anarchiste n'a rien de très sérieux pour Siegfried, il est au contraire dérisoire quand on voit la façon dont il maltraite le vagabond.
Une dernière chose : le sabotage des puits. On a évoqué dans l'article "Bakou" de la destruction volontaire des puits de pétrole par les soviétiques pour retarder la progression de l'armée allemande. Ce terme de "sabotage" n'est pas innocent ; il rappelle le symbole anarchiste du "sabot" que les syndicalistes lançaient dans les engrenages des usines afin de provoquer un arrêt ou un ralentissement de la production.
Bref, désormais… le rouge est mis.

[1] Une onomastique toute castorfienne… !

Cet article a été écrit par Guy Cherqui et David Verdier

AzerbaïdjanBakouBakounineFrank CastorfPatric SeibertPatrice ChéreauPravdaProudhonURSS

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