Giacomo Meyerbeer (1791-1864)
Romilda e Costanza (1817)
Melodramma semiserio en deux actes
Livret de Gaetano Rossi
Créé le 19 juillet 1817 à Padoue
Version de concert
Première exécution moderne
Matériel d’exécution établi d’après le manuscrit de la première représentation par Aldo Salvagno
Patrick Kabongo (Teobaldo)
Javier Povedano (Retello)
Chiara Brunello (Romilda)
César Cortès (Lotario)
Luiza Fatyol (Costanza)
Emmanuel Franco (Albertone)
Claire Gascoin (Annina)
Giulio Mastrototaro (Pierotto)
Timophey Pavlenko (Ugo)
Chœur de chambre Gorecki
Chef de chœur: Marcin Wrobel
Orchestre Passionart Cracovie
Direction musicale: Luciano Acocella
3 CD NAXOS 8.660495-97 - 67’49”+55’57”+50’04”
Avant de connaître la gloire internationale, de s’installer à Paris et d’y mourir, Giacomo Meyerbeer l’auteur des Huguenots, du Prophète et de L’Africaine, le père du « grand opéra français » est parti de loin. Qui en effet aurait pu songer que le jeune compositeur de Romilda e Costanza tiendrait une place aussi importante dans la musique du XIXème siècle ? Une poignée d’ahuris sans doute ! 202 ans après sa création à Padoue, le Festival Rossini de Wildbad a tenté de redonner vie à cet opéra, improbable fantaisie médiévale publiée aux éditions Naxos, une première mondiale qui laisse perplexe.
Avant d’imposer son style et de se voir affubler du titre ronflant de père du « grand opéra français », Giacomo Meyerbeer débuta en Allemagne sans fracas avant de se rendre en Italie au moment même où un petit nouveau allait connaître un succès sans précédent : Rossini. Composé à Padoue en 1817, Romilda e Costanza est le quatrième opéra de Meyerbeer, un mélodrame semi serio conçu sur un livret aussi ridicule qu’invraisemblable de Gaetano Rossi, comme par hasard auteur de celui de Tancredi de Rossini… Bien trop longue, sans rythme, ni ressort dramatique, l’intrigue se perd dans un interminable imbroglio où se télescopent jalousie, héritage et amours contrariés sur fond historique. Confiée à des personnages sans consistance qui subissent les coups du sort sans vraiment savoir prendre en main leur destin, la partition d’une pauvreté musicale affligeante se traine lamentablement sans parvenir un seul instant à captiver. Difficile de ne pas reconnaitre dans ce patchwork l’influence de Rossini, et ce dès l’ouverture (à l’instar de Donizetti et Mercadante, fortement marqués par Rossini à leurs débuts) , dont les nombreux emprunts voudraient faire de Meyerbeer le digne héritier.
Pour autant, l’écriture alourdie par de pesants récitatifs accompagnés au forte piano, l’implacable complexité vocale qui afflige chaque aria et le manque total d’imagination de l’ensemble, transforme l’écoute de cette œuvre en un véritable chemin de croix que l’on termine à genoux après trois heures d’épreuve. Luciano Acocella ne peut être tenu pour responsable de l’échec de cette douloureuse résurrection, car on le sent, il veut y croire et ne ménage pas ses forces et son pouvoir de persuasion pour ranimer cet ouvrage sans vie. Le Passionart Orchestra, malgré de louables efforts, manque de transparence, de couleur et d’esprit pour pallier cette musique poussive et hasardeuse lestée par des chœurs au professionnalisme incertain (Gorecki Chamber Choir).
A l’exception du ténor Patrick Kabongo qui prête au rôle de Teobaldo un assez joli timbre, une vraie musicalité et des aigus raffinés largement déployés dans l’air d’entrée « Ombra amata », le reste de la distribution n’est pas à la hauteur des exigences requises par Meyerbeer. Le Retello du baryton-basse Javier Povedano est discrédité par une voix usée, comme le Pierotto de Giulio Mastrototaro, baryton à l’émission tremblante, Cesar Cortés (Lotario) et Emmanuel Franco (Albertone) n’étant que d’honorables comprimari. La soprano Luiza Fatyol ne vient à bout du rôle de Costanza qu’au prix d’un registre aigu arraché et de vocalises paresseuses audibles dès la cavatine « Giungesti o caro istante », sa rivale Romilda chantée par la contralto Chiara Brunello s’emparant avec un plus de « métier » de son personnage, mais avec un instrument lourd qui fatigue et s’essouffle inexorablement en cours de représentation.
Si cette version de concert captée en juillet 2019 au Festival "Rossini in Wildbad" vient enrichir le legs meyerbeerien, il n’est en revanche pas certain que l’œuvre se retrouve un jour sur une scène, le jeu n’en valant pas la chandelle.
Cet article a été écrit par François Lesueur