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Mon nom est Massenet. Jules Massenet

Une anthologie des premiers âges du disque, parue chez Malibran Music, autour de voix qui créèrent les opéras de Massenet

Mon nom est Massenet. Jules Massenet

Laurent Bury — 1 décembre 2020

Massenet par ses créateurs

44 extraits d'opéra de Jules Massenet et mélodies

Le Roi de Lahore (Opéra de Paris 1877)
Herodiade (Bruxelles 1881)(Paris Gaîté Lyrique 1903)
Manon (Opéra Comique, Paris, 1884)
Le Cid (Opéra de Paris 1885)
Esclarmonde (Opéra Comique, Paris, 1887)
Le Mage (Opéra de Paris, 1891)
Werther (Opéra de Vienne, 1892)(Opéra Comique, Paris, 1893)
Thaïs (Opéra de Paris 1894)
Sapho (Opéra Comique 1897)
Le jongleur de Notre-Dame (Monte-Carlo 1902) (Opéra Comique, Paris, 1904)
Chérubin (Monte-Carlo 1905)
Ariane (Opéra de Paris 1906)
2 mélodies (1887 et 1895)
Don Quichotte (Monte-Carlo 1910)(Paris, Gaîté Lyrique 1911)
Panurge (Gaîté Lyrique, Paris, 1913)
Cléopâtre (Monte-Carlo 1914)(Paris, 1919)
3 enregistrements inédits de Mélodie par Lucy Arbell

Coffret de deux CD. Malibran.

 

Entendre les voix qui ont créé les opéras de Mozart ou de Wagner, sous la direction de leur compositeur, voilà qui relève évidemment du rêve impossible. Pour d’autres grands noms, plus proches dans le temps, le défi peut être relevé, surtout pour Massenet que le disque a si bien servi dès sa naissance. Le Label Malibran a donc réuni, sur deux CD, tout un bouquet d’extraits des opéras du maître stéphanois, enregistrés par ceux qui ont créé ses œuvres. Un voyage dans le temps, riche en surprises, et une leçon de style.

Le titre de cet article est une phrase que n’aurait jamais prononcée le compositeur de Manon et de Werther, car il avait son propre prénom en horreur et évitait toujours de le mentionner. Plaisanterie mise à part, il est assez rassurant de constater que certains compositeurs continuent de susciter l’intérêt par-delà les célébrations obligées, désormais conditionnées par les dates anniversaires. La France ne s’étant pas donné grand mal en 2012 pour marquer le centenaire de la mort de Massenet, il reste de quoi faire et, heureusement, il existe des bonnes volontés pour faire. 2020 aurait dû marquer enfin la résurrection de l’opéra Bacchus à Montpellier, mais cette recréation déjà reportée attendra encore des jours meilleurs. En attendant, on s’affaire des deux côtés de l’Atlantique autour des mélodies de Massenet : tandis qu’en France, le Palazzetto Bru Zane enregistre un premier disque de ses mélodies avec orchestre, une équipe canadienne s’est lancée dans une intégrale des mélodies avec piano (dans les deux cas, le baryton québécois Etienne Dupuis est partie prenante).

Parfois, des amateurs passionnés permettent eux aussi quelques redécouvertes inattendues. Comme le précise dans le texte de présentation Hervé Oléon, vice-président de l’Association Massenet internationale, c’est par un heureux hasard qu’en 2018, le collectionneur Serge Chèze a mis la main sur un lot de 78 tours parmi lesquels se cachaient quelques enregistrements d’une voix dont on ne connaissait jusque-là aucun témoignage : celle de la contralto Lucy Arbell, ultime égérie de Massenet, à qui il destina un rôle dans tous ses opéras à partir d’Ariane. Et c’est ainsi qu’est né le projet d’un coffret réunissant la plupart des disques gravés par les chanteurs qui ont été les premiers à chanter les différents personnages des opéras du compositeur. Spécialiste de la musique française et des interprétations anciennes, le label Malibran propose à présent en deux CD ce qui est un document tant sur Massenet que sur une certaine façon de « chanter français ». L’avantage du compositeur est d’avoir vécu à l’époque où l’enregistrement faisait ses premiers pas, et surtout de jouir d’une immense popularité, de sorte que si Pelléas et Mélisande n’a guère laissé que l’air de la Tour susurré par Mary Garden avec – peut-être – Debussy au piano, le legs discographique de Massenet est infiniment plus important. En suivant ses opéras depuis Le Roi de Lahore (1877) jusqu’à la création posthume de Cléopâtre en 1919, et en rassemblant des faces de disque gravés entre 1902 et 1931, il y a largement matière à anthologie, avec à peine une poignée de mélodies pour compléter. Presque tous ces artistes ont pu bénéficier de la présence du compositeur qu’ils auront pu servir de leur mieux (« presque tous », car plusieurs opéras furent créés à titre posthume, et sans respecter les volontés de Massenet dans le cas de Cléopâtre qui été destiné à Lucy Arbell mais fut confié à la soprano Maria Kuznetsova au prix de nombreuses modifications de la partition).

Massenet par ses créateurs, donc. Mais attention : si tous les chanteurs réunis sur ces deux galettes ont participé à une première massenétienne, au moins parisienne sinon mondiale, ou ont permis le succès d’une œuvre par la force de leur incarnation, vous ne les entendrez pas tous dans le rôle u’ils ont créé. Certes, le premier disque s’ouvre avec le baryton Jean Lassalle enregistrant en 1902 un air du Roi de Lahore qu’il avait créé un quart de siècle auparavant ; certes, Ernest Van Dyck chante le « lied d’Ossian », lui qui chanta le tout premier Werther, à Vienne en 1892 ; Emma Calvé a enregistré un air de Sapho et « Il est doux, il est bon », Lucien Muratore est au disque le Thésée qu’il fut à la création d’Ariane, et l’on pourrait continuer avec quelques autres noms, mais dans la majorité des cas, ces illustres massenétiens chantent un autre personnage que celui qui leur est associé : le ténor Charles Rousselière, créateur de Spakos dans Cléopâtre, chante ici l’air de Jean dans Hérodiade, par exemple. Au chapitre des regrets éternels figurent bien sûr ceux qui n’ont laissé aucune trace : rien n’a été conservé de la voix de Sibyl Sanderson, qui inspira au compositeur Esclarmonde et Thaïs. Et pour d’autres, c’est à peine mieux : le seul disque Massenet de Lucienne Bréval, première Grisélidis, première Ariane dans Ariane et dans Bacchus, c’est un extrait du Cid où sa voix se fond dans l’ensemble donnant la réplique au Rodrigue de la reprise de 1902, Albert Alvarez (par ailleurs créateur de Nicias dans Thaïs et d’Araquil dans La Navarraise). Fugère, qui créa pourtant cinq rôles pour Massenet, ne peut plus être entendu que dans la romance de la Sauge du Jongleur de Notre-Dame, mais c’est une belle revanche, et c’est l’un des opéras dont il assura la première parisienne. On comprend donc d’autant mieux l’intérêt des disques de Lucy Arbell miraculeusement retrouvés, même s’il s’agit d’enregistrements sans doute bien tardifs, et même s’il ne s’agit pas d’opéra mais de mélodies, néanmoins écrites à son intention : les Expressions lyriques et leur fameux mélange de parlé et de chanté, où l’artiste passe d’un mode à l’autre avec une souplesse impressionnante, qui indique ce que Massenet avait en tête, plongée fascinante dans le cerveau du compositeur.

Après, il faut évidemment tenir compte de l’âge de ces disques, et des procédés d’enregistrement. Avis aux oreilles inaccoutumées aux vieilles cires, qui risquent de trouver certaines plages inécoutables. Et même pour le mélomane habitué au son d’autrefois, l’état de conservation de certaines faces est tel qu’il faut un effort pour dépasser ces craquements et crachouillis derrière lequel les voix finissent par surgir. On sait aussi que la prise de son des premières décennies du XXe siècle n’était pas toujours très favorable aux voix et pouvait en raboter impitoyablement l’ampleur. Se pose aussi la question de la vitesse à laquelle il convient d’écouter certains disques anciens (dans le duo de Manon, Léon Beyle sonne presque comme un baryton…). Pour les plus anciens enregistrements, il faut se contenter le plus souvent d’un piano pour tout accompagnement, avec parfois une heureuse surprise quand un orchestre digne de ce nom se fait entendre.

Et bien sûr, on entend là une façon de chanter ou même de dire le français qui paraît très éloignée de nous. L’articulation pourra étonner, par certaines consonnes serrées, par des voyelles plus ouvertes ou plus nasalisées qu’on ne les entend désormais. Certains types de voix semblent curieusement choisis : Marie Delna fut la première Charlotte que Paris ait entendu, mais son timbre, capté seulement dix ans après la création Salle Favart, donne une image étrangement placide du personnage, à moins que son timbre ait été laminé par la technique d’enregistrement. L’interprétation a elle aussi beaucoup évolué, dira-t-on, mais on trouverait encore des choses à apprendre auprès de ces artistes d’autrefois. Citons un seul exemple : le ténor Edmond Clément (1867–1928), premier Armand dans Thérèse en 1907, qui offre une sorte de modèle intemporel du bien chanter, tant en Des Grieux en 1911 qu’en Werther en 1919. Comme une capsule temporelle qui permettrait un voyage cent ans en arrière, ces disques nous rappellent aussi un temps où l’Opéra de Paris et l’Opéra-Comique disposaient, sans devoir puiser à l’étranger, de toutes les (grandes) voix nécessaires, ténors héroïques et sopranos dramatiques.

Cet article a été écrit par Laurent Bury

Albert AlvarezCharles RousselièreEdmond ClémentEmma CalvéErnest Van DyckFugèreHervé OléonJean LassalleLéon BeyleLucien MuratoreLucienne BrévalLucy ArbellMaria KuznetsovaMarie DelnaSerge ChèzeSybil Sanderson

Un commentaire

  • Serge Chèze says:
    2 décembre 2020 à 14h23

    Ce coffret de deux CD consacré aux opéras de Massenet, à quelques uns de ses créateurs et aux plus célèbres de ses interprètes dont il a connu certains, m'a donné l'occasion de révéler l'existence d'enregistrements inédits de Lucy Arbell que j'ai eu la chance miraculeuse d'acquérir et que j'ai laissé copier pour enrichir ce beau projet. Votre article très intéressant, Laurent Bury, est un bel atout pour donner envie à ceux qui le liront, d'acheter cet exceptionnel coffret et, à titre personnel, je vous en remercier vivement !

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