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Le monde entier n’est pas une farce

Falstaff de Giuseppe Verdi, Daniele Rustioni, Bel Air classiques

Le monde entier n’est pas une farce

Claire-Marie Caussin — 21 mai 2020

Giuseppe Verdi (1813-1901)
Falstaff (1893)
Comédie lyrique en trois actes
Livret de Arrigo Boito d’après Les joyeuses commères de Winsdor de William Shakespeare
Création à Milan, Teatro alla Scala, le 9 février 1893

Laurent Pelly (mise en scène)
Barbara de Limburg (scénographie)
Joel Adam (lumière)

Avec :

Roberto de Candia (Falstaff)
Simone Piazzola (Ford)
Joel Prieto (Fenton)
Rebecca Evans (Alice Ford)
Ruth Iniesta (Nannetta)
Maité Beaumont (Meg Page)
Daniela Barcellona (Mistress Quickly)
Christophe Mortagne (Dr Caius)
Valeriano Lanchas (Pistola)
Mikeldi Atxalandabaso (Bardolfo)

Orquestra y coro del Teatro Real
Direction musicale: Daniele Rustioni

1 DVD BelAir Classiques BAC 177 – 128’

Enregistré au Teatro Real (Madrid) en avril 2019

Avec ce Falstaff, Laurent Pelly ne met pas tant en scène le comique du personnage principal que le pathétique de sa situation : pauvre, isolé et tourné en ridicule. Servie par une habile direction d’acteurs, la production n’en laisse pas moins un goût amer au spectateur, qui se prend de pitié pour le héros et peine à voir la comédie triompher sur ses aventures malheureuses. La distribution se révèle convaincante sur le plan scénique, incarnant parfaitement le parti-pris de la mise en scène, malgré quelques faiblesses musicales. Un spectacle de bonne tenue, dominé par le Falstaff de Roberto de Candia, mais qui ne parvient pas à susciter totalement l’enthousiasme.

 


Capté en avril 2019 au Teatro Real de Madrid, ce Falstaff mis en scène par Laurent Pelly se révèle à la fois divertissant et amer.
Divertissant car on y retrouve sans conteste la patte du metteur en scène : les escaliers de la maison Ford ne sont pas sans évoquer ceux de La Grande Duchesse de Gerolstein du Châtelet, offrant une multitude de possibilités de jeu ; Ford rappelle par son allure le Gondremarck de La Vie parisienne lyonnaise, un peu étriqué dans son costume, et un peu sévère derrière des lunettes qui ne suffisent pas à faire de lui un homme clairvoyant. Mais au-delà de ces détails, on reconnaît Laurent Pelly à sa direction d’acteurs précise et remarquablement huilée : pas un temps mort, mais un jeu jamais surchargé de détails inutiles. Comme dans toute bonne comédie, Laurent Pelly dessine ses personnages, donnant à chacun une démarche, une gestuelle qui le rendent parfaitement reconnaissable. C’est ainsi qu’il échappe à la pure farce et aux simplifications psychologiques qui peuvent en découler.

Mais un Falstaff amer également, car la tragédie n’est jamais bien loin : lorsque le rideau s’ouvre sur un bar sombre et vétuste, tout à fait contemporain et dont le personnage principal semble l’unique client, on est loin du héros bon vivant dont on se plait à rire. Plus loin encore de l’aristocrate qu’est, dans le livret, Sir John Falstaff. Non, ce Falstaff grossier, hirsute provoque moins l’hilarité que la pitié, voire l’empathie pour cet être en marge – crédule, désargenté, négligé au milieu de ces femmes riches et élégantes. Les costumes des commères, avec leurs couleurs vives et tout droit sortis des années 60, apportent leur dose de gaité, mais ce n’est que façade, car les décors restent désolément sombres et crépusculaires.

Les décors signés Barbara de Limburg sont justement une grande réussite car ils illustrent bien cette oscillation permanente entre deux mondes : celui des joyeuses commères, bourgeois, un peu suranné, et celui de Falstaff, délabré et plus contemporain. Bien qu’ils communiquent entre eux, les personnages échouent nécessairement à s’intégrer dans le monde qui n’est pas le leur. Mais on oscille également entre rêve et réalité grâce à un habile mouvement des décors. Le « E sogno o realtà » notamment est mis en scène avec une grande intelligence, Ford seul en scène se retrouvant soudain entouré de ses sosies, mari trompé parmi tous les maris trompés ; ou encore la scène finale, avec son immense miroir illustrant, de manière certes attendue mais efficace, que le théâtre est le reflet du monde – même si l’on doute que le monde ne soit qu’une farce.

On voit à ces éléments que cette production est intelligente, pertinente, bien pensée. Malgré tout on peine à y adhérer totalement. Ce Falstaff est trop touchant pour que la comédie l’emporte, trop réaliste pour susciter autre chose que la pitié : en un mot ce n’est plus tout à fait Falstaff. Roberto de Candia se révèle en revanche parfait dans ce rôle, ne faisant qu’une bouchée de la partition et des excès de son personnage, tantôt terrifiant et terrifié, menaçant et désemparé : c’est bien sur ses épaules que repose en grande partie le spectacle, et il relève le défi.

Le reste de la distribution est convaincant : Rebecca Evans et Maite Beaumont, sans faire preuve d’un grand éclat vocal, mènent la danse en Alice Ford et Meg Page avec tout l’entrain attendu tandis que la Nannetta de Ruth Iniestat se révèle véritablement à l’acte III, où la voix se déploie avec une belle délicatesse dans l’air « Sul fil d’un soffio etesio », sans pour autant perdre de sa rondeur. De son côté, la Mistress Quickly de Daniela Barcellona se révèle irrésistible dans ses duos avec Falstaff. Si la voix est sombre et bien présente dans les ensembles, on apprécie surtout l’impertinence du personnage, sa vivacité. Elle permet au spectateur de conserver une forme de sympathie pour les joyeuses commères, ce qui est une gageure dans un spectacle qui insiste autant sur le pathétique de leur victime ; mais on arrive à croire qu’Alice Ford, Meg Page et Mistress Quickly sont avant tout des femmes qui s’ennuient dans leur vie trop bien rangée.

Côté masculin, Christophe Mortagne (Dr. Caius), Mikeldi Atxalandabaso (Bardolfo) et Valeriano Lanchas (Pistola) ont l’énergie et la vis comica attendues, tandis que Simone Piazzola est un Ford plein d’autorité tant vocale que scénique. Son engagement dans « E sogno o realtà » est total, le personnage parvenant à être aussi impressionnant que ridicule. Quant à Joel Prieto, il apporte de la jeunesse et une maladresse assez sympathique à Fenton, même si le ténor n’apparaît pas à son avantage dans l’air « Dal labbro il canto estasiato vola », où la voix plafonne un peu dans l’aigu. C’est dommage car pour le reste le rôle lui va bien.

On aurait en revanche pu espérer de tous davantage de nuances, un travail musical encore plus poussé ; car si l’on sent tout le potentiel scénique de la partition, il nous en manque un peu les détails et les subtilités musicales. Il en va de même pour l’orchestre et les chœurs du Teatro Real placés sous la direction de Daniele Rustioni, qui propose une lecture efficace de l’ouvrage mais sans fulgurances. Aussi ingénieuse et pertinente que soit cette production, aussi convaincante que soit, scéniquement, la distribution, on reste donc un peu sur notre faim.

 

 

 

 

 

Crédits photo : © Javier Del Real - Teatro Real

Cet article a été écrit par Claire-Marie Caussin

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