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Une Maison de poupées

Rodelinda de Georg Friedrich Händel, Opéra de Lille 2018/2019

Une Maison de poupées

David Verdier — 9 octobre 2018

Rodelinda, regina de' Longobardi

Opéra en trois actes, musique de Georg Friedrich Händel, livret de Nicola Francesco Haym d’après Antonio Salvi et Pierre Corneille. Créé au King’s Theatre de Londres le 13 février 1725

Nouvelle production de l'Opéra de Lille, coproduction Théâtre de Caen, Teatro Municipal de Santiago, Opéra National du Chili

Mise en scène : Jean Bellorini
Décors : Jean Bellorini, Véronique Chazal
Costumes : Macha Makeïev
Lumières : Luc Muscillo

Avec :

Rodelinda : Jeanine De Bique
Bertarido : Tim Mead
Grimoaldo : Benjamin Hulett
Eduige : Avery Amereau
Unulfo : Jakub Józef Orliński
Garibaldo : Andrea Mastroni

Le Concert d’Astrée
Direction musicale : Emmanuelle Haïm

 

 

 

 

Opéra de Lille
59000 Place du Théâtre, Lille, France
Fiche du lieu
4 octobre 2018 à l'Opéra de Lille

Après Cenerentola (2016), Jean Bellorini s'attaque à un opéra de Haendel pas souvent monté : Rodelinda. Au talent de l'homme de théâtre s'ajoute un regard et un style proprement originaux qui déplacent le seria et le pompeux du côté de l'onirique et de l'enfance. Spectacle virtuose autant que brillant, cette Rodelinda lilloise est servie par un plateau et une direction à recommander sans réserve.

Jeanine De Bique (Rodelinda); Tim Mead (Bertarido) Sur l’écran : Aminata Diouaré (Flavio)

On avait découvert dans Cenerentola (2016) le talent de Jean Bellorini pour échafauder une mise en scène à partir d'un objet-idée – un objet dont le mécanisme apparent servait de relai intellectuel qui renvoie à un monde onirique. Chez Rossini, la réflexion partait d'une roue de bicyclette, dont le mouvement circulaire finissait par rythmer les déplacements des acteurs et entraînait à sa suite tout un ensemble de péripéties et de vocalises. Dans Rodelinda de Haendel, c'est un petit train électrique qui nous fait pénétrer dans la narration – un train avec lequel joue Flavio, le fils de la reine Rodelinda. Le visage de l'enfant est projeté en gros plan à l'arrière-scène, les yeux grands ouverts comme pour souligner le fait qu'à travers lui, on pénètre dans un imaginaire qui sert de grille de lecture à l'opéra tout entier.

Les wagons sont remplacés par des éléments de décor miniatures que l'on retrouve ensuite sur scène mais toujours dans une dimension réduite de telle sorte à ce que les personnages sont perçus comme à l'étroit, contraints de se baisser pour passer les portes par exemple. Jean Bellorini imagine une maison de poupée peuplée d'êtres de chair et d'os, doublés de figurines sous la forme de marionnettes manipulées à vue. Une étape intermédiaire les montre le visage dissimulé sous un masque opaque, avec des gestes maladroits et mécaniques comme s'ils rejouaient en abîme certaines scènes comme des instantanés saisis dans la structure générale.

On observe dans ce travail une signature stylistique, discrète métaphore filée autour de l'objet-ampoule électrique dont la répétition obsédante souligne l'élément lumineux : incandescence du filament (amoureux) ou son alter ego mèche de bougie. Les décors de Jean Bellorini et Véronique Chazal fourmillent de détails dont la finesse est magnifiée par des jeux de lumières signés Luc Muscillo. Les projecteurs créent des textures et des mouvements à proprement parler dramaturgiques, comme par exemple le "paysage délicieux" au II tout en reflets dorés et orangés ou bien les pièces en enfilade du palais royal, reliées par un corridor mobile à travers lequel les personnages se poursuivent et jouent à cache-cache.

L'intrigue de Rodelinda a tout à la fois la simplicité des histoires de fidélité amoureuse et la complexité qui sied au genre de l'opéra seria haendelien. La durée généreuse (près de 3 heures) déroule les fils croisés d'une reine (Rodelinda) dont le mari est présumé mort (Bertarido) mais refait surface pour espionner les faits et gestes de l'usurpateur (Grimoaldo) qui tente de conquérir son cœur. Derrière ces agissements se cache le bien mal nommé Garibaldo, à la manœuvre pour tirer les ficelles et récupérer le trône. La mise en scène passe sous silence le meurtre du scélérat pour mieux se concentrer sur une lieto fine absolument improbable et inattendue : L'usurpateur rend le royaume de Milan à Bertarido et se réconcilie avec Eduige  pour partager avec elle le trône de Pavie.

Aminata Diaouré (Flavio); Jeanine De Bique (Rodelinda)

Jeanine De Bique incarne avec brio le personnage de Rodelinda, avec toute une palette expressive qui va du désespoir (Ombre, piante, urne funeste) à la joie (Ritorna, o caro e dolce moi tesoro). A l'exception de quelques menues prises d'air mal contrôlées, l'amplitude et l'endurance ne font pas vraiment défaut ; tout au plus pourra-t-on pointer sur la durée une tendance à lisser l'expression et se tenir à distance d'une émotion pas vraiment éruptive. Le Bertarido de Tim Mead maîtrise l'art discret qui consiste à ne pas trop souligner la douleur pour mieux la rendre sensible (Scacciata dal suo nido). Il domestique l'émission et la couleur pour se fondre à merveille dans les phylactères entremêlés de l'interminable duo Io t’abbraccio, donné avec toutes les reprises. Benjamin Hullett est un Grimoaldo aux intonations et aux couleurs volontiers agressives, n'hésitant pas à projeter sa rancœur quitte à déstabiliser la ligne (Tuo drudo è moi rivale). L'Eduige d'Avery Amereau ne vitupère pas avec une aisance toujours souveraine comme en témoigne le périlleux Lo faró, dirò spietato pris à un tempo prudent. Elle gagne cependant en présence et en caractère dans l'acte III (Quanto più fiera). Les palmes iront au Garibaldo d'Andrea Mastroni, d'une noirceur et d'une densités proprement stupéfiantes, ainsi qu'au jeune Jakub Józef Orliński (Unulfo), qui sait mettre le public dans sa poche avec une présence en scène et une caractérisation du timbre qui ne descend jamais en dessous de l'excellence.

La direction d'Emmanuelle Haïm est absolument maîtrisée d'un bout à l'autre, sans jamais laisser percer un sentiment de redite ou de lassitude – une gageure dans une telle partition. Le geste fouillé et précis tire des pupitres du Concert d'Astrée une énergie et des accents qui rendent à l'expression des contours discursifs d'une remarquable concentration.

 

A revoir le 11 octobre sur

https://culturebox.francetvinfo.fr/opera-classique/musique-classique/baroque-rocks/operas/rodelinda-de-haendel-a-l-opera-de-lille-280259

Jeanine De Bique (Rodelinda); Benjamin Hulett (Grimoaldo)

Crédits photo : © Simon Gosselin

Cet article a été écrit par David Verdier

Andrea MastroniAvery AmereauBenjamin HulettEmmanuelle HaïmJakub Józef OrlińskiJean BelloriniJeanine De BiqueLuc MuscilloMacha MakeïeffTim MeadVéronique Chazal

2 commentaires

  • diouare says:
    10 octobre 2018 à 14h05

    C'est moi Aminata je suis Flavio dans Rodlinda

    Répondre
    • Val says:
      10 novembre 2018 à 0h20

      Je viens de te voir ce soir à Caen. C’était magique !

      Répondre

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