Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Messiah
oratorio pour solistes, chœur et orchestre créé à Dublin en 1742
Orchestra e Coro dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia
Direction musicale : Ton Koopman
Yetzabel Arias Fernandez (soprano)
Maarten Engeltjes (alto)
Tilman Lichdi (tenor)
Klaus Mertens (basso)
Ciro Visco (chef des choeurs)
De passage à Rome en ce mois de mars, le chef néerlandais Ton Koopman a répondu à l’invitation de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia pour diriger le Messie de Haendel à l’Auditorium Parco della musica. Sans atteindre les mêmes résultats qu’avec une formation baroque, le chef est parvenu à imposer sa patte et son style, conférant à l’œuvre un rendu sonore tout à fait singulier.
Epuisé par de multiples activités, ruiné et à court d’inspiration, Haendel est à 50 ans un compositeur désespéré. Après trente ans de combat pour imposer en Angleterre la formule d’opéra à l’italienne qui lui tenait tant à cœur, celui-ci n’en peut plus de jouer devant de salles vides, de perdre de l’argent, de l’énergie et de sentir sa santé décliner. C’est dans ces conditions que va naître l’une de ses pièces les plus populaires, le Messie, dont le célébrissime « Alleluja » lui survivra contre toute attente, longtemps après sa mort…. Pensant pouvoir retrouver la confiance du public, il choisit l’oratorio, forme peu courante à l’époque en Angleterre, économique car ne nécessitant ni interprètes prestigieux à la différence de l’opéra, ni décor couteux, l’usage des Chœurs étant appelé à se développer.
Pour raconter la vie du Christ, Haendel compose donc une sorte d’opéra métaphysique en trois parties, sur un livret en anglais qui fait appel à l’Ecriture sainte et lui permet de mettre en place un discours théâtral dont l’efficacité est supérieure à la plupart de ses ouvrages lyriques. Chaque scène de cet opéra mystique où la figure du Christ-Messie remplit l’espace alors que son personnage est absent, se compose d’un récitatif suivi par un air que vient couronner l’apothéose d’un chœur. Controversé lors de sa première exécution à Dublin en 1742, le Messie défendu par l’Eglise, s’impose pourtant très rapidement et offre au compositeur la revanche qu’il espérait.
Invité à venir diriger cette œuvre à l’Auditorium Parco della Musica de Rome avec les forces de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Ton Koopman s’est une nouvelle fois distingué, même si cette formation n’a rien de baroque (à la différence de sa gravure publiée en 1983 par Erato avec Bowman et l’Amsterdam Baroque Orchestra). L’orchestre en formation réduite sonne sous sa conduite haletante, avec élégance et précision, chaque air bénéficiant de la plus grande attention, de nuances et de modulations appropriées. Vif et acéré, le tempo ne retombe à aucun moment, la lecture du chef néerlandais conservant son amplitude dans les passages choraux, tout en recréant l’intimité nécessaire au climat poétique distillé dans certains airs et bien sûr dans la célèbre « Pifa », petit intermède instrumental pastoral, souvenir d’un voyage de jeunesse dans la campagne romaine, de Haendel.
Personnalité idéale pour traduire sans s’appesantir, ou paraître sentencieux la portée de cet acte liturgique, véritable méditation spirituelle sur l’aspect prophétique de la Rédemption et sur l’intervention du Christ dans la vie de tous les hommes, Ton Koopman attise et tempère avec souplesse et autorité, imposant aux instrumentistes de subtils phrasés et des accents d’une puissance organique. Si les Chœurs de l’Accademia sont sans doute trop démonstratifs en raison de leur nombre, leur intensité est enthousiasmante, ce qui fait malheureusement défaut à deux des solistes réunis. Extérieur à la partition qu’il égrène du bout des lèvres, d’une voix chichiteuse au volume réduit, Maarten Engeltjes est un alto sans saveur, qui fait regretter la voix séraphique de Philippe Jaroussky, annoncé en début de saison. Habitués à des voix moins volumineuses, plus claires et plus fines pour la partie dédiée à la soprano, il est difficile d’accepter celle de Yetzabel Arias Fernandez qui parait ici surdimensionnée. Son timbre n’est pas inintéressant, mais sa diction confuse et sa tendance à plastronner finissent par lasser. La basse Klaus Mertens et le ténor Tilman Lichdi permettent heureusement de rééquilibrer l’ensemble, le premier grâce à un instrument toujours sain et engagé, dont la largeur et l’élasticité sont à louer, le second en raison d’une voix transparente et nerveuse dont la virtuosité rappelle celle caractéristique, des Evangélistes, que l’on retrouve dans les Passions de Bach.
Cet article a été écrit par François Lesueur