"Oh, Boy!"
Mozarteumorchester Salzburg
Direction musicale Marc Minkowski
Enregistré au Mozarteum de Salzbourg du 4 au 8 janvier 2016
1 CD Erato
Durée : 72'36
Airs d'opéras signés :
Christoph Willibald Gluck : «Amour, viens rendre à mon âme » (Orphée et Eurydice)
Wolfgang Amadeus Mozart : « Pupille amate » (Lucio Silla)
Giacomo Meyerbeer : « Nobles seigneurs, salut » (Les Huguenots)
Jacques Offenbach : « Vois sous l’archet frémissant » (Les Contes d’Hoffmann)
Wolfgang Amadeus Mozart : « Il tenero momento » (Lucio Silla) et « Voi che sapete » (Le nozze di Figaro)
Ambroise Thomas : « Sommeil, ami des dieux » (Psyché)
Charles Gounod : « Que fais-tu, blanche tourterelle » (Roméo et Juliette)
Wolfgang Amadeus Mozart : « Va’ pure ad altri in braccio » (La finta giardiniera)
Emmanuel Chabrier : « O petite étoile » (L’Etoile)
Wolfgang Amadeus Mozart : « Non so più » (Le nozze di Figaro)
Reynaldo Hahn : « Alors, adieu donc, mon amour ! » (Mozart)
Wolfgang Amadeus Mozart : « Parto, ma tu, ben mio » (La clemenza di Tito)
Avec ce premier album au programme original et ambitieux placé sous le haut patronage de Marc Minkowski, la jeune mezzo-soprano française Marianne Crebassa confirme l’étendue de son talent et ses dons naturels pour dessiner avec panache une étonnante série de rôles travestis.
Attention, le nom de Marianne Crebassa n'est pas encore sur toutes les lèvres, mais il ne devrait pas tarder à l'être. Cette jeune et pétillante mezzo biterroise, qui incarnera prochainement Fantasio sur la scène du Châtelet dans le cadre du lancement de la nouvelle saison de l'Opéra-Comique, s'est déjà fait remarquer à Salzbourg en interprétant Charlotte Salomon de Dalbavie en 2014, festival où elle avait débuté deux ans plus tôt dans Tamerlano, tout en partageant sa carrière entre Mozart (Lucio Silla, La finta giardiniera, Cosi fan tutte, Le Nozze di Figaro) et l'opéra français (Lakmé, Faust, L'enfant et les sortilèges, Roméo et Juliette). Son premier album intitulé Oh, boy ! , réalisé avec son mentor Marc Minkowski, est une carte blanche où la cantatrice a choisi de laisser les rôles féminins de côté. Il faut reconnaître que son allure vocale et son tempérament musical conviennent aux personnages travestis par lesquels passent généralement la plupart des mezzos, de Von Stade à Von Otter, de Graham à Kasarova. Si l'Orphée de Gluck porte encore les marques de l'adolescence et souffre d'une certaine application qui devrait disparaître dans un proche avenir, malgré de belles ornementations, Marianne Crebassa parvient sans encombres à traduire les ardeurs juvéniles du Cherubino des Nozze di Figaro, l'impertinence d'Urbain des Huguenots, où l'impétuosité du jeune Sesto de La clemenza di Tito. On apprécie chez cette musicienne la rondeur du timbre, l'intelligibilité du texte, la souplesse et l'extension vocales, ainsi que la qualité des vocalises exécutées avec précision même dans les tempi les plus rapides. Les deux airs de Lucio Silla sensibles et raffinés, comme celui de La finta giardiniera parcouru d'une énergie communicative et dirigés comme l'ensemble du disque avec goût et subtilité par Minkowski à la tête du Mozarteumorchester Salzburg, ne sont plus des raretés aujourd'hui, c'est pourquoi l'on applaudit les artistes de s'être aventurés vers des partitions plus inédites. Véritable perle de cet enregistrement, l'air « Sommeil, ami des Dieux » tiré du Psyché d'Ambroise Thomas, chanté avec candeur, du bout des lèvres, dans un état de douce mélancolie est un ravissement, qui se prolonge avec celui de Fantasio d'Offenbach « Voyez dans la nuit brune » abordé avec brio et un sens de la psychologie développé. Tout aussi remarquables le délicat air de Lazuli « O petite étoile » issu de L'Etoile de Chabrier est à mettre sur le même pied d'égalité que celui parfaitement oublié, tiré de la comédie musicale intitulée Mozart de Hahn et Guitry, « Alors adieu donc mon amour », exécuté avec une finesse de style et une justesse de ton qui sont ceux d'une artiste aux multiples facettes qui saura évoluer dans le drame comme dans la comédie ; et que dire de ce Prince charmant qui promène sa solitude pendant son « Coeur sans amour » extrait de la Cendrillon de Massenet, sinon qu'il nous touche par ses accents sincèrement désabusés. Autre pièce à découvrir, le second air de Siebel « Versez vos chagrins dans mon âme », finalement abandonné par Gounod avant la création de son Faust.
Après un tel coup d'essai Erato nous doit un second opus consacré cette fois aux personnages féminins où Marianne Crebassa doit forcément avoir des choses à dire.
Cet article a été écrit par François Lesueur