Fidelio opéra en 2 actes de Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Orchestre de Chambre de Paris
Direction : Douglas Boyd
Chœur Accentus dirigé par Marc Korovitch
Leonore : Rebecca von Lipinski
Florestan : Peter Wedd
Don Pizzaro : Andrew Foster-Williams
Rocco : Stephen Richardson
Marzelline : Jennifer France
Jaquino : Sam Furness
Don Fernando : Bradley Travis
Mise en espace: Peter Mumford
Montage et création vidéo : Will Reynolds
La Philharmonie de Paris donnait pour la première fois le Fidelio de Beethoven, en marge de la grande exposition consacrée au compositeur, depuis le 14 octobre. Dans cette salle à l’acoustique impressionnante, l’unique opéra de Beethoven a une fois encore répandu toute la puissance de son message humaniste, même si les derniers concerts parisiens de 2011 avec Kurt Masur et Adam Fischer en 2012, donnés tous les deux au Théâtre des Champs-Élysées demeurent supérieurs en intensité et en ivresse musicale.
Un Fidelio sans aucune tête d’affiche, tel était le pari – ou le postulat ? – imposé à l’Orchestre de chambre de Paris et à son chef, pour se produire à la Philharmonie, en écho à l’exposition consacrée à Beethoven (1). Douglas Boyd a choisi pour ce faire de s’entourer d’artistes déjà invités à l’Opéra de Garsington, dont il assure la direction artistique, pour défendre cet ardent singspiel.
La soprano Rebecca von Lipinski est loin d’avoir le format vocal requis pour répondre aux exigences du rôle-titre : la voix est petite, l’émission serrée et la ligne d’une extrême fixité. Concentrée sur la partition qu’elle tente avec un certain courage d’exécuter sans faillir, elle en oublie d’interpréter son personnage qui, au péril de sa vie décide de se travestir pour pouvoir sauver l’homme qu’elle aime, retenu prisonnier depuis de longues années. On cherche en vain la flamme, l’engagement, la détermination de cette héroïne mue par un irrépressible amour, dans ce chant inexpressif, plat et incolore qui souffre et s’épuise à dominer une tessiture qui n’est pas la sienne.
Le ténor Peter Wedd déjà programmé, comme sa collègue, dans la même œuvre à Garsington en 2014, est une agréable surprise : son Florestan sensible et racé traduit avec pertinence l’épuisement physique de cet homme à bout, dès le terrible air d’entrée « In des Leben Frühlingstagen » et qui, malgré l’absolue détresse dans laquelle il est réduit, trouve encore le courage d’espérer. Les voix souples et joliment timbrées de Jennifer France et de Sam Furness (Marzelline et Jaquino) sont bien assorties pour former un couple d’abord conflictuel puis apaisé, sous le regard paternel et compatissant de Rocco, chanté avec beaucoup d’allure et de nuances par la basse Stephen Richardson. Andrew Foster-Williams enfin est un Pizarro qui s’impose sans hurler et Bradley Travis un Don Fernando calme et serein.
Scénographe et éclairagiste reconnu, Peter Mumford signe une mise en espace simpliste qui s’appuie sur des projections vidéo en noir et blanc sans grand intérêt. Douglas Boyd maitrise quant à lui son sujet : tempo allant, attaques nettes il trouve, malgré quelques imperfections du côté des vents qui manquent de précision, le juste pouls du drame, grâce un orchestre allégé qu’il fait sonner comme s’il s’agissait d’instruments anciens (splendide quatuor du 1). Son geste souple et élégant porte le chef‑d’œuvre sans jamais laisser retomber la tension, ni contrarier les équilibres d’une écriture foisonnante et inventive, jusque dans la flamboyance des Chœurs, tenus ici rigoureusement par le Choeur Accentus.
François Lesueur
(1) Ludwig van Le mythe Beethoven Philharmonie jusqu’au 29 janvier 2017
Cet article a été écrit par François Lesueur